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  •       W.-E. CHANNING

    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

    PRÉFACE (partie 2)

    .

    Qui sont donc que les Unitariens (unitaires dans le texte original) ? Quelles sont leurs doctrines? Les Unitaires ne sont pas précisément nés d'hier ; on peut leur dresser une généalogie plus ou moins authentique, les rattacher à Arius et à l'arianisme, à Lélie et Faust Socin et aux Églises sociniennes de Pologne et de Lituanie, aux Anti-trinitaires, etc. On peut citer plusieurs noms illustres parmi ceux qui ont professé les mêmes opinions qu'eux, Milton, Locke, Newton, Clarke, Priestley, Priée, J. Leclerc, etc. Mais une doctrine religieuse est-elle plus respectable, parce qu'elle compte deux ou trois mille ans de date au lieu de cinquante ans? En est-il des religions comme de ces familles, qui se croient d'une nature supérieure, parce qu'elles comptent nous ne savons combien de quartiers et qu'elles font remonter leur origine à quelqu'un de ces brigands bardés de fer du moyen âge, qui détroussaient les passants et allaient enfouir le produit de leurs rapines dans quelque donjon bien fortifié? D'ailleurs quelle est la religion qui ne se vante pas de remonter à la plus haute antiquité? On perd seulement de vue qu'il y a quelque chose de plus ancien encore, c'est la raison ; car elle est née avec notre premier père, juste le sixième jour de la création. Ne nous inquiétons donc pas trop des origines de l’unitarisme (l'unitarianisme) et recherchons avant tout quelles sont les idées qui le caractérisent aujourd'hui. Ces idées, nous les trouvons dans le discours dont nous donnons la traduction. Channing, celui qu'on a qualifié à juste titre de saint des unitaires, bien que d'autre part on ait trouvé plaisant de l'appeler un saint en robe de chambre et en pantoufles et qu'on lui préfère sans doute tous les saints du calendrier depuis St-Fiacre jusqu'à St-Patape, Channing les a exposées avec cette conviction, cette chaleur, cet amour de Dieu et des hommes qui constituent sa belle et bonne nature. Nous n'avons donc pas besoin de refaire cet exposé ici. Nous nous bornerons à dire que Channing professe l'unité de Dieu et rejette la Trinité, telle qu'elle a été formulée en dogme par le concile de Nicée ; que Jésus-Christ, pour lui, n'est pas Dieu, mais est distinct de Dieu et inférieur à lui; qu'il n'a qu'une seule nature, la nature humaine. Quant à Dieu, il proclame sa toute-puissance, mais en même temps il croit que cette toute-puissance est entièrement soumise à sa justice ; il a la plus haute idée de la bonté, de la miséricorde, en un mot de toutes les perfections morales de Dieu. Dieu pour lui est dans toute la force du mot notre père qui est au ciel. Ce point de doctrine est certainement un de ceux qui donnent aux opinions religieuses des unitaires, telles qu'elles nous sont transmises par l'âme charitable de leur apôtre, un haut caractère d'élévation et de pureté morales. Un père est juste envers ses enfants et il les aime toujours, quelles que soient leurs fautes. Ce n'est pas au moyen de l'idée de Dieu, considéré comme père des mortels, qu'on aurait pu épouvanter le monde avec l'enfer et ses grincements de dents, avec les cachots, les bûchers, et les longues traînées de sang. Il faut en convenir, Jéhovah, le Dieu juif, le Dieu national et exclusif, le Dieu vengeur, n'a malheureusement pas dépouillé complètement sa nature farouche en devenant le Dieu des chrétiens. Pour en revenir à l’unitarisme (l'unitarianisme) de Channing, nous devons ajouter que, tout en déclarant Jésus Christ inférieur à Dieu, et ne possédant qu'une seule nature, la nature humaine, il croit néanmoins à sa mission divine, à sa médiation, en ce sens que Dieu a envoyé Jésus pour effectuer la délivrance morale ou spirituelle de l'humanité. Et notons bien que néanmoins, c'est toujours par sa propre activité que l'homme doit acquérir la vertu, c'est par les œuvres qu'il doit s'attendre à être sauvé et non par la grâce. Quant au péché originel, à la rédemption, à l'éternité des peines, il ne peut en être question dans cette doctrine. Il est vrai que Channing accepte l'autorité de la Bible, admet des révélations successives, regarde celle de Jésus comme la plus parfaite, croit à l'authenticité de l'Évangile et aux miracles ; mais la révélation, pour lui, ne peut être en opposition avec la raison, et la Bible doit être interprétée au moyen des lumières de la raison.

    On le voit, dans la plupart de ces points de doctrine, le plus grand accord règne entre l’unitarisme (l'unitarianisme) et la philosophie. Sur quelques-uns seulement il peut y avoir divergence. Les idées de révélations, de missions surnaturelles, de livres sacrés, de miracles, n'exercent plus aujourd'hui le même prestige que jadis. Tout homme qui a découvert et propagé dans le monde de grandes vérités et qui les a réalisées, peut à juste titre être regardé comme un révélateur, comme ayant reçu une mission divine. Et il n'est pas nécessaire pour accroître son importance de l'entourer d'une auréole factice ; le plus souvent, en voulant l'élever ainsi, on ne fait que le rabaisser, on lui enlève sa libre spontanéité, sa personnalité, pour le réduire à l'état d'instrument et de machine, obéissant à des influences extérieures et perdant ainsi tout ce qu'il y a de plus noble et de plus généreux clans la nature humaine. Quant à l'autorité des livres sacrés, tels que l'Ancien et le Nouveau Testament, peut-elle résister à ces immenses travaux de critique et d'exégèse dont ils ont été l'objet, dans plusieurs pays et notamment en Allemagne, depuis Spinoza jusqu'à Strauss ? En supposant même qu'on ait été trop loin dans cette voie, il n'en reste pas moins acquis un certain nombre de résultats généraux, que les vains efforts des partisans du surnaturel ne parviendront jamais à renverser. Tout récemment encore nous lisions un livre curieux, publié en France, en 1850, et intitulé : Mémoires d'un enfant d'ouvrier. Éludes religieuses, par D. de Saint-Maur, et là, dans un extrait du rapport à la Société de morale (Paris 20 août), nous tombions sur ces mots : «Inspirés par l'austère méthode de Descartes, ils (les Mémoires d'un enfant d'ouvrier) présentent dans leurs touchantes confidences, une analyse des évangiles, aussi digne que hardie, où, dès le début, on se sent élevé dans une région inconnue du génie de Saint-Augustin, de Luther et de Bossuet, éclairée de ce principe nouveau : Les évangiles sont des drames grecs, dont le dogme fondamental est l'unité de Dieu ; tout autre dogme est ultérieur aux drames, et ne s'y rattache que comme un développement naturel du génie grec. Cette simple thèse, développée avec art, révèle les causes des augustes grandeurs passées, l'actuel affaissement des idées religieuses, et les consolants espoirs de l'avenir chrétien.» On en conviendra, nous sommes loin de l'époque, où l'on regardait comme authentiques et sacrés tous les récits, toutes les scènes, dans lesquels on a encadré les vérités simples et sublimes enseignées par Jésus, comme si elles avaient eu besoin de cet appareil merveilleux et dramatique pour se faire accepter du monde. Enfin, quant aux miracles, si l'on entend par là des faits contraires aux lois de la nature, les progrès de la science sont venus en quelque sorte corroborer les données de la philosophie pour prouver leur inanité. Quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse, le règne des miracles a fait son temps. Nous avons bien assez des étonnants mystères de la nature et de l'esprit, sans aller encore encombrer ce vaste et merveilleux champ de nos puériles inventions. Il y a quelque chose de mille fois plus divin dans la semence qui germe et se transforme en épi, dans l'intelligence de l'enfant qui se manifeste dès sa naissance et s'épanouit tous les jours sous nos yeux, que dans le miracle des pourceaux possédés du démon, ou dans cent autres, qui, après tout, n'ont abouti qu'aux résultats les plus médiocres.

    Nous le disons donc à regret, Channing n'est pas encore parvenu à s'affranchir complètement des vieilles traditions du passé. Mais au moins, et c'est là le côté vital de sa doctrine religieuse, il a hissé la voie ouverte au progrès, en proclamant le principe de la souveraineté de la raison en fait de religion comme en toute matière. Ce n'est pas lui qui voudra enchaîner à jamais l'intelligence humaine et l'emprisonner dans quelque symbole étroit, dans quelque formulaire obscur. Ce n'est pas lui qui s'imaginera qu'on élève l'homme, dans la double acception du mot, en lui apprenant à réciter les phrases incompréhensibles d'un catéchisme. Car la grande affaire pour lui c'est de fortifier l'homme dans toutes les directions, de fortifier son intelligence, de fortifier son cœur, de fortifier sa volonté et de rétablir ainsi l'équilibre de ses facultés. Sans doute on n'arrivera pas ainsi à cette unité chimérique et dangereuse, que nous voyons inscrite sur la bannière de l'orthodoxie ; mais on arrivera à ne pas arrêter le développement spontané de l'homme et de la société, on arrivera à ne pas entraver la variété des opinions et des doctrines, a ne pas vouloir étouffer la voix des dissidents par la contrainte et la violence, on arrivera enfin par la tolérance, la charité et l'amour, ce principe d'union que Dieu a mis dans le cœur de l'homme, à l'harmonie, à la religion, à l'église universelle. «En somme, comme l'a très bien dit M. Laboulaye, liberté absolue de la pensée et charité inépuisable, ce sont les deux besoins suprêmes de l'homme et du chrétien. La perfection, c'est de donner pleine carrière à notre raison et d'aimer Dieu et nos frères d'une tendresse infinie. Tel est le système complet de Channing ; système qui ne manque certes ni de simplicité ni de grandeur.»

    Nous pouvons le répéter maintenant : il y a accord entre la philosophie et l’unitarisme (l'unitarianisme) de Channing. Le fait d'une religion en harmonie avec le progrès est patent. Est-ce là un fait purement accidentel, un pur fait de circonstance? Nous ne le pensons pas, parce que ce fait se justifie par les tendances mêmes de notre époque, et nous y entrevoyons un signe d'espérance pour l'avenir. «Dans l'histoire de la religion, dit M. Laboulaye, je crois l’unitarisme (l'unitarianisme) destiné à prendre une grande place, car il est le dernier terme du libre examen, et, pour dire toute ma pensée, l'avenir du protestantisme est à lui. Et, quant aux hommes (et le nombre en est grand) qui sentent le besoin d'une croyance pour fixer la pensée et pour pacifier le cœur, et que cependant effraient les difficultés du dogme, il me semble qu'il n'est pas sans intérêt pour eux de connaître un système qui entreprend de concilier la religion et la philosophie , non pas au moyen d'une mutuelle et dédaigneuse tolérance, mais en montrant que le christianisme est l'achèvement de la philosophie, et que la révélation est la perfection même de la raison. Si une pareille doctrine nous arrivait d'Allemagne, enveloppée dans de mystérieuses formules, déguisée sous des mots étranges, nous l'accueillerions avec respect, comme nous avons fait des théories de Schelling et de Hégel ; aurons-nous moins d'attention parce que Channing n'est point resté dans le domaine de l'abstraction, qu'il a parlé simplement, pratiqué ses idées, et fondé bien plus qu'une école, une Église, à laquelle appartiennent aujourd'hui les écrivains les plus influents, les esprits les plus élevés de la Nouvelle-Angleterre ? Une doctrine nouvelle, et qui émeut les deux mondes, c'est, selon moi, même quand cette doctrine est théologique, un sujet digne d'occuper quiconque ne professe pas une suprême indifférence pour toute étude sérieuse et qui force à réfléchir.»

    Ajoutons que les doctrines religieuses de Channing et des unitaires ont déjà fait invasion en Europe, sans peut-être que nous nous en doutions. C'est ainsi qu'en Angleterre il existe, depuis près de quarante ans, une société unitaire, qui, en 1817, a publié une traduction du Nouveau Testament. En 1840, elle tenait ses réunions à Londres, à Saint-Swithin-Lane. Les Anglicans refusent aux membres de cette société le nom de chrétiens, ce qui ne l'empêche pas de compter des personnages politiques parmi ses adhérents. En France même, en 1831, des unitaires ont fait une profession de foi Uni Deo. En 1833, ils se sont établis à Marseille, sous la direction de W.-H. Fierness, et, en 1844, ils ont publié un curieux ouvrage sous le titre d'État religieux de la France et de l'Europe (vol. in-8°, 1850). Aujourd'hui, dit la Nouvelle Biographie universelle (t. IX, 1854), où nous puisons ces renseignements, la Société de l'alliance chrétienne universelle, dans son appel aux chrétiens de toutes les communions, professe ouvertement les opinions de Channing, quand elle dit «que tous les Credo particuliers sont devenus douteux ; que toutes les autorités humaines, soi-disant infaillibles, sont ébranlées; que toutes les prétendues orthodoxies chancellent.» Elle ajoute que «personne désormais ne rétablira telle quelle la foi catholique, apostolique et romaine ; que personne ne maintiendra l'immuable conservation de tous les dogmes de l'Église grecque, et que personne ne ressuscitera réellement la confession d'Augsbourg ou celle de La Rochelle.» Ces faits prouvent la gravité de l'œuvre de Channing, et justifient le rang qu'on lui assigne parmi les réformateurs les plus hardis.

    Nous croyons donc avoir fait chose utile en cherchant à faciliter la connaissance de Channing et de ses doctrines dans notre pays. Il nous a semblé qu'il était bon pour nous de ne pas ignorer le mouvement qui s'opère dans les esprits, au point de vue religieux, aussi bien dans notre vieux continent que dans le nouveau monde. Nous nous sommes rappelé ce vers du poète latin :

    Homo sum : humani nihil à me alienum puto.  

    Peut-être aurons-nous le malheur de déplaire à certains esprits ; mais nous répéterons alors ce que disait récemment M. Laurent, dans ses remarquables Études sur l'histoire de l'humanité, dont, par parenthèse, et pour l'honneur de la Belgique, nous désirons vivement voir paraître la continuation : « Il importe à toutes les opinions que la franchise prenne la place d'un silence qui ressemble à de l'hypocrisie ; l'Église elle-même doit repousser des adhésions qui ne sont que calcul ou faiblesse. Que toutes les convictions sincères se produisent, la victoire restera à la vérité. Mais pour cela il faut la liberté la plus complète dans la discussion. Pour moi, je dis ma pensée tout entière ; transiger avec ce que je regarde comme la vérité, par ménagement des opinions dominantes, serait plus qu'une lâcheté, ce serait un crime. Je ne puis croire, du reste, qu'il y ait danger, en Belgique, à dire librement ce que l'on pense. La liberté n'est-elle pas l'essence de nos institutions? Et, dans un pays libre, la liberté de la pensée ne serait qu'un vain mot !»


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    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

    PRÉFACE (partie 1)

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    Le progrès est un fait complexe. Sous cette dénomination générale, on comprend, chez l'individu, le développement et le perfectionnement de toutes ses facultés, de toutes ses forces, de toutes ses aptitudes. Pour qu'on puisse dire d'un homme qu'il progresse, il faut non seulement qu'il cultive son intelligence, mais aussi qu'il ouvre son cœur à tous les sentiments élevés, et qu'il imprime à son activité volontaire une direction constante vers tout ce qui est bien, vers tout ce qui est juste. Si le progrès individuel ne se fait pas dans tous les sens, si tous les principes de notre nature ne grandissent pas à la fois par une action harmonique, qu'arrive-t-il ? Il arrive ce que nous voyons tous les jours, que le talent fait divorce avec la moralité ou le caractère, que le sentiment peu éclairé flotte au gré des influences du jour, que l'énergie de la volonté s'use dans des entreprises injustes et condamnables. Évidemment, ce n'est pas là l'état normal de l'homme ; c'est un état de maladie morale, qui ne peut engendrer que tiraillements et désordres dans l'organisme spirituel.

    Ce qui est vrai de l'individu, ne l'est pas moins de la société, qui est une agrégation d'hommes, et ne peut avoir d'autre but que celui qui est fondé sur la nature humaine en général. Or, si le but de l'homme est de se développer graduellement et harmoniquement dans toutes ses facultés intérieures et dans tous ses rapports extérieurs, c'est-à-dire, si l'homme doit cultiver de plus en plus la science et l'art, pratiquer de mieux en mieux le bien, entrer dans des rapports de plus en plus intimes avec Dieu, avec ses semblables et avec la nature, la société, qui est un moyen, une condition nécessaire de ce développement individuel, embrasse également les mêmes buts particuliers, compris dans le but général de l'homme. La société doit donc réaliser, sur une plus grande échelle et avec plus de perfection, ce que l'individu est appelé à réaliser dans une sphère moins vaste ; elle doit diriger son activité sur le droit, sur la religion, sur la science, sur l'art, sur la morale, sur l'industrie, sur le commerce, sur l'agriculture, et elle ne doit négliger aucun de ces buts, sous peine de se mutiler. Or, quel est le spectacle auquel nous assistons aujourd'hui ? Nous pouvons constater les progrès de la société dans notre vieille Europe, sous plus d'un rapport. Personne ne révoquera en doute les progrès matériels ; c'est peut-être là le côté le plus saillant de notre civilisation. Les progrès moraux sont moins apparents : mais cependant, si l'on n'est pas trop contempteur du temps présent et partisan du passé (laudator temporis acti), ils ne peuvent être niés. Les sciences, les arts ont, sans contredit, acquis de grands développements ; le droit a pénétré de plus en plus dans les mœurs et dans les institutions.

    Reste la religion, et ici nous avons un fait d'une toute autre nature à signaler. La religion semble se placer en dehors de la voie générale du progrès, surtout dans les pays catholiques. Sans doute, le sentiment religieux n'est pas resté stationnaire ; nous le croyons et nous aimons à le croire. Il y a des tendances, des aspirations vers un meilleur avenir religieux ; l'esprit de charité et de tolérance a gagné du terrain ; les hommes du progrès inscrivent sur leur bannière ces belles paroles, qui sont sorties de la bouche d'un de ces philosophes si décriés du XVème siècle : Élargissons Dieu. Mais l'institution religieuse elle-même, l'Église dominante, l'Église catholique, a-t-elle marché depuis trois siècles, et si elle a marché, a-t-elle marché en avant, ou n'est-elle pas allée plutôt se réfugier dans ses froides et sombres cathédrales du moyen âge? N'a-t-elle pas évoqué les ombres impuissantes des Grégoire VII et des Innocent III? Nous savons bien que le catholicisme se vante de son immuabilité, et s'en fait un titre de gloire. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette prétendue immuabilité ; mais nous ne tenons ici qu'à prendre note d'un seul fait, c'est l'incompatibilité actuelle du catholicisme, ou plutôt de l'ultramontanisme, avec le progrès. Nous disons l'ultramontanisme, carie christianisme, comme ces grands fleuves qui se perdent dans la mer en une foule de petits courants, s'est rétréci pour devenir catholicisme, et le catholicisme, à son tour, s'est rétréci pour devenir ultramontanisme. L'Église catholique n'est plus aujourd'hui que l'Église romaine.

    Depuis que les peuples sont sortis du moyen âge, comme on sort d'une prison trop étroite où l'on étouffe, depuis que Gutenberg a brisé les entraves qui enchaînaient l'esprit humain, que Luther a proclamé le libre examen, l'opposition entre le catholicisme et la marche progressive de la société, plus sourde auparavant, est devenue claire et manifeste. Un écrivain français d'un grand talent, d'une grande élévation de pensée et d'un noble caractère en même temps, M. Edgar Quinet, a fait le tableau de cette opposition. Il a mis en regard l'ultramontanisme et la société moderne; il nous a montré ce que l'Église romaine a fait de l'Espagne ; il nous a montré l'Église romaine en face de l'État, de la science, de l'histoire, du droit, de la philosophie, des peuples. On ne refait pas un pareil livre ; mais on le lit et on le relit, parce qu'il est bon de se rappeler les leçons du passé pour éviter les écueils du présent ou de l'avenir.

    Quel est maintenant le résultat de ce divorce entre le catholicisme et le progrès? C'est que le progrès est entravé partout, dans toutes ses branches. Il y a peut-être des esprits qui se récrieront contre une pareille conclusion ; mais alors ils oublient qu'il y a solidarité entre les facultés diverses de l'homme, qu'il y a solidarité également entre les divers buts que doit se proposer la société. Ils oublient encore que la première condition du développement social, comme du développement individuel, c'est la liberté. Et cette liberté existe-t-elle quand de fausses considérations religieuses viennent se mêler aux recherches scientifiques, historiques, philosophiques, économiques, politiques ? On objectera sans doute que les sciences, l'histoire, la philosophie, l'économie sociale, le droit, etc., ont marché librement, malgré l'immuabilité du dogme. Heureusement oui, cela est vrai, jusqu'à un certain point ; le dogme n'a pu enrayer complètement le progrès ; mais est-ce à dire que le progrès n'aurait pas suivi et ne suivrait pas encore une allure plus décidée, si le dogme n'avait continué à peser sur lui ? Faut-il rappeler que le dogme a cherché à étouffer, par exemple, l'astronomie, cette science qui lui a porté de si rudes coups ? Qu'il a vu de mauvais œil la philosophie de Descartes, et qu'il a lutté contre elle, jusqu'à ce qu'il ait été obligé d'entrer en composition avec elle? Et nos libertés politiques modernes? Est-il besoin de citer la fameuse encyclique de Grégoire XVI, le concordat récent conclu, avec l'Autriche, pour convaincre les plus incrédules du peu d'amour que leur porte l'Église romaine ? Nous le répétons donc, il y a opposition entre le dogme immuable et le progrès, et cette opposition entrave la marche du progrès ; elle est la source de tiraillements et de divisions sans fin dans notre état social. Le sentiment de ce malaise est général, qu'on s'en rende compte ou non. Aussi les uns, pour y mettre fin, ne voient qu'un remède, c'est le retour au passé ; ils rêvent la résurrection du moyen âge, comme si les morts pouvaient ressusciter, au moins dans ce monde. En attendant, ils font de l'histoire catholique, de la science catholique, de la philosophie catholique, de l'économie politique catholique, voire même du droit catholique, de l'art catholique, comme si cet accouplement de mots ne révélait pas une impossibilité, l'alliance du progrès et du dogme immuable. Les autres, par impatience d'un joug trop longtemps porté, par dégoût du spectacle qu'a, présenté au monde la domination, intolérante toujours, cruelle souvent, de ceux qui se sont appelés les ministres du Seigneur, du Dieu de charité, du Dieu de l'Évangile, renient le passé, ne veulent plus entendre parler de sentiment religieux ni de Dieu, lui substituent les forces de la nature ou la justice, et sourient de pitié quand les mots de religion et d'être suprême sortent de votre bouche ; ce qui ne les empêche pas de vouloir l'égalité et la fraternité des hommes. D'autres encore se disent philosophes, et reconnaissent la souveraineté de la raison, mais en même temps ils prétendent faire la part des vérités que la foi nous enseigne ; ils adorent deux dieux, le dieu de la raison et le dieu de la révélation ; ce sont des esprits très conciliants, qui aujourd'hui proclameront crûment, en petit comité, que le catholicisme n'a plus quatre cents ans dans le ventre, et qui demain corrigeront leurs anciens livres pour ne rien y laisser qui puisse froisser la religion dominante, qui y intercaleront même ses louanges, et mériteront par là qu'on y appose l'approbation de l'autorité ecclésiastique ; à leur dernière heure, ils sacrifieront un coq à Esculape. Il en est aussi qui sont sincèrement catholiques, mais qui, moins logiques que les partisans de la restauration du passé, croient pouvoir concilier la liberté et le dogme, la démocratie et l'absolutisme papal, la raison et l'autorité ; ce sont des enfants perdus de l'ancienne école de l'Avenir et de Lamennais. L'exemple de Lamennais, qui s'est brisé contre les résistances de l'Église romaine, n'a été d'aucun enseignement pour eux. Nous ne parlerons pas des indifférents, pour qui la grande affaire dans ce monde est de s'enrichir et de faire leur chemin. Ceux-là s'arrangent de tout ; ils sont pleins de respect pour ce qui est et s'appelle pouvoir, tant que ce pouvoir est debout. Mais nous avons encore à signaler un certain nombre d'esprits qui pensent que l'élément religieux est un élément essentiel et progressif de notre nature, qu'on ne pourrait l'extirper, si la chose était possible, sans mutiler l'homme et le ravaler ah niveau de la brute, et que le règne de la liberté, de la justice, de la charité, de la tolérance est vraiment le règne de Dieu ; seulement ils reconnaissent que cet élément religieux ne trouve pas sa complète satisfaction aujourd'hui , en présence de l'esprit étroit et exclusif de la plupart des religions dominantes. Ils pensent que la vérité est une et identique, qu'elle ne se partage pas entre la foi et la raison, et que la religion et la philosophie doivent s'accorder et vivre en paix, en marchant d’un pas égal vers le même but, le perfectionnement de l'individu et de la société.

    Cet accord entre la religion et la philosophie est-il possible? Voilà le grand problème, le problème vital de notre époque. En théorie, nous n'hésitons pas à répondre affirmativement. Mais notre époque est essentiellement positive, elle ne se contente pas de théories, il lui faut des faits, et elle n'aurait pas entièrement tort, si souvent aussi elle ne se contentait trop des faits, des faits seuls, sans principes, et ne transformait même parfois les faits en principes. Consultons donc les faits et voyons ce qu'ils nous apprennent.

    Il existe, par delà l'Océan, une nation pleine de sève et d'avenir, qui occupe un territoire immense, et encore ce territoire lui paraît-il trop étroit, puisque tous les jours elle s'enfonce de plus en plus vers l'Ouest. Cette nation doit en quelque sorte son existence à l'esprit d'intolérance, qui a forcé ses ancêtres à émigrer en Amérique. C'est à cette rude école qu'elle a appris à connaître la valeur de la liberté religieuse, de la liberté de conscience, sans laquelle les autres libertés ne sont rien. Sans doute tout n'est pas à louer aux États-Unis, l'esclavage est là malheureusement pour le prouver, sans parler d'autres sujets de blâme. Mais quelles que soient les préventions favorables des uns, défavorables des autres, à l'égard de cette solide race saxonne, il faut convenir qu'elle a réalisé ce but, vers lequel nous tendons à travers des luttes quotidiennes et sans cesse renaissantes, c'est-à-dire l'indépendance réciproque de l'État et de l'Église. On peut voir dans les ouvrages de MM. De Tocqueville, Michel Chevalier, de Miss Martineau, de Mlle F. Bremer et d'une foule d'autres, si l'esprit religieux ne s'est pas trouvé bien de cet état de choses. M. Michel Chevalier rapporte, par exemple, ce fait que le nombre des édifices du culte est beaucoup moindre en Angleterre qu'en Amérique. Il nous donne aussi un tableau approximatif des nombreuses sectes religieuses qui existaient en 1836 aux États-Unis ; et là nous rencontrons des Méthodistes épiscopaux et autres, des Baptistes de différentes catégories, des Presbytériens de nuances diverses, des Congrégationalistes, des Luthériens, des Épiscopaliens, des Quakers, des Catholiques, des Juifs, des Universalistes, des Unitaires (au nombre de 200,000), etc. Quelques diverses que soient les opinions religieuses, elles sont sûres d'y trouver satisfaction. Nous savons bien que cette grande variété déplaît à certains esprits, imbus à leur insu ou non de préjugés sucés avec le lait. Il est un grand mot qu'on invoque souvent, sans se rendre compte de l'influence pernicieuse qu'il peut exercer, un grand mot que le Catholicisme surtout revendique comme constituant un de ses caractères les plus essentiels, c'est l'unité. Pour beaucoup d'esprits l'unité en matière de religion est le but qu'il faut atteindre ; et ils croient la trouver dans le catholicisme. Mais cette unité, faussement comprise, n'est qu'illusion, cette unité factice, vous ne pouvez l'obtenir qu'en chargeant de chaînes l'esprit humain ; cette unité mène droit à l'exclusion, à l'excommunication, à la persécution, à l'inquisition, à toutes les formes imaginables du plus lourd des despotismes, le despotisme soi-disant religieux. Voyez l'histoire du catholicisme et dites-nous après cela comment on arrive à cette étroite unité, comment on la maintient, en supposant qu'elle ait jamais existé. Est-ce dans les premiers temps du christianisme, alors que les hérésies se succédaient aux hérésies? On condamnait les hérésies, cela est vrai, on prononçait anathème contre les hérétiques, on faisait même plus, on constituait le dogme en étouffant dans le sang la voix de ceux qui protestaient. Plus tard, on fit de même avec les Albigeois, avec les Vaudois, avec les Lollards, avec les Hussites, avec les Juifs, avec les Protestants. Veut-on encore de cette unité à ce prix? C'est en vérité une singulière unité que l'unité du catholicisme, ébréchée si largement jadis, tantôt par le schisme grec, tantôt par la réforme, aujourd'hui ébréchée lentement et sourdement, miette à miette, par le travail incessant des idées. Il est temps et plus que temps de se débarrasser de ces vieux aphorismes. Ce n'est pas à l'unité exclusive qu'il faut tendre, c'est à l'harmonie, qui tient compte de la variété des opinions et des sentiments, pour les faire concourir tous a la marche progressive de l'humanité. L'unité exclusive est incompatible avec la liberté ; allez la chercher si vous voulez dans les vieilles théocraties de l'Orient ; mais aujourd'hui méfions-nous en, car sous son masque trompeur elle cache le despotisme civil aussi bien que le despotisme religieux, c'est-à-dire qu'elle ne peut aboutir qu'a briser l'individu pour en faire une machine. Non, l'idéal de la société n'est ni la caserne, ni le couvent.

    Ce n'est donc pas un spectacle affligeant pour nous que celui de ces nombreuses sectes religieuses qui existent aux États Unis. C'est au contraire un signe de vie de l'élément religieux. Que maintenant parmi ces sectes, il y en ait qui éveillent plus nos sympathies que d'autres, qui nous semblent plus près de la vérité, dont par conséquent les doctrines méritent d'être propagées, nous ne le contestons pas. Seulement la vérité ne doit pas être imposée à l'homme, elle doit se faire accepter librement. La terreur, de quelque côté qu'elle vienne, qu'elle s'affuble d'une apparence religieuse ou non, est un mauvais maître ; elle ferait détester la vérité, si la vérité pouvait être détestée. Et voilà précisément pourquoi les Unitaires doivent frapper l'attention, c'est parce qu'ils ne reconnaissent d'autres moyens de propagande religieuse, que l'appel à la raison libre de l'homme.


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    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

     

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN. (partie 2)

    DISCOURS PRONONCÉ LORS DE L'ORDINATION DU RÉV. JARED SPARKS, BALTIMORE. 1819.

     

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    II. POINTS DE DOCTRINE.

    Après avoir ainsi déterminé les principes suivant lesquels nous interprétons l'Écriture, je vais passer à la deuxième grande division de ce discours, dans laquelle je dois exposer quelques-uns des points que nous faisons découler de ce livre sacré, particulièrement ceux qui nous distinguent des autres chrétiens.

    5 De la vertu chrétienne.

    Nous avons ainsi exposé nos vues sur l'objet le plus élevé de la mission du Christ, c'est-à-dire, le recouvrement de la vertu ou de la sainteté par l'homme. Maintenant je vais en dernier lieu indiquer comment nous comprenons la nature de la vertu chrétienne ou de la vraie sainteté. Nous croyons que toute vertu a sa base dans la nature morale de l'homme, c'est-à-dire, dans sa conscience, ou dans son sentiment du devoir, et dans la faculté de mettre son caractère et sa vie en harmonie avec sa conscience. Nous croyons que ces facultés morales sont le fondement de la responsabilité et le plus remarquable privilège de la nature humaine, et qu'aucun acte n'est digne d'éloge, s'il n'est pas le résultat de leur effort. Nous croyons que les dispositions, qui nous sont inspirées sans le concours de noire activité morale propre, n'ont pas la nature do la vertu, et nous rejetons par conséquent la doctrine do l'influence irrésistible de Dieu sur l'esprit humain, le moulant dans la bonté, comme on taille le marbre en statue. Une pareille bonté, si l'on ose se servir de ce mot, ne pourrait être l'objet de l'approbation morale, pas plus que les affections instinctives des animaux inférieurs, ou l'amabilité naturelle des êtres humains.

    Par ces remarques, nous n'entendons pas dénier l'importance de l'assistance de l'esprit de Dieu ; mais cet esprit exprime pour nous une influence morale, éclairante, persuasive, et non pas une influence mécanique, forcée, impliquant la nécessité de la vertu. Nous sommes fortement opposés à l'opinion d'un grand nombre de Chrétiens sur l'impuissance de l'homme et l'action irrésistible de Dieu sur le cœur ; car nous croyons que par là on anéantit notre responsabilité et on renverse les lois de notre nature morale, on fait de l'homme une machine, on rejette sur Dieu le blâme de toutes les mauvaises actions, on décourage les bons esprits, et on remplit les esprits fanatiques des idées désordonnées d'une inspiration immédiate et sensible.

    Parmi les vertus, nous accordons la première place à l'amour de Dieu. Nous croyons que ce principe est le véritable but et la vraie félicité de notre être, que nous sommes faits pour entier en union avec notre Créateur, que sa perfection infinie est le seul objet suffisant, où puissent se reposer les désirs insatiables et les capacités illimitées de l'esprit humain, et que sans lui nos plus nobles sentiments, l'admiration, la vénération, l'espoir et l'amour, se flétriraient et dépériraient. Nous croyons aussi que l'amour de Dieu est essentiel, non seulement au bonheur, mais à l'énergie et il la perfection de toutes les vertus ; que la conscience, sans la sanction de l'autorité de Dieu et sans une justice de rétribution, ne serait qu'un faible directeur ; que la bienveillance, à moins d'être alimentée par la communion avec sa bonté, et encouragée par un sourire, ne pourrait prendre racine au sein de l'intérêt personnel et de l'ingratitude du monde ; et que le gouvernement de soi-même, sans le sentiment de la surveillance divine, s'étendrait difficilement au delà d'une pureté extérieure et imparfaite. Dieu, par cela même qu'il est essentiellement bonté, sainteté, justice et vertu, est aussi la vie, la cause et le soutien de la vertu dans l'âme humaine.

    Mais, tout en inculquant avec ardeur l'amour de Dieu, nous croyons qu'il est nécessaire de le distinguer avec soin de sa contrefaçon. Ce qu'on appelle piété est souvent sans valeur. Plusieurs personnes sont tombées dans cette opinion erronée, qu'on ne peut commettre d'excès quant aux sentiments dont Dieu est l'objet ; et, dans leur égarement, qualifiant de froideur cette possession de soi-même, sans laquelle la vertu et la dévotion perdent toute leur dignité, elles se sont abandonnées à des extravagances qui ont attiré le mépris sur la piété. Dans cette acception vulgaire, l'amour de Dieu est sans contredit plus funeste qu'utile à la moralité. Si la religion est l'écueil de l'intelligence, nous ne pouvons assez prendre soin de nous pour nous en préserver. Sur cette matière, il nous est facile d'être clair. Nous ne pouvons sacrifier notre raison à la réputation d'être zélé. Nous devons a la vérité et à la religion de soutenir que le fanatisme, la frénésie, les élans irréfléchis et les transports immodérés, sont toute autre chose que la piété.

    Le véritable amour de Dieu est un sentiment spirituel, basé sur une notion précise de ses perfections morales, et consistant dans une estime, dans une vénération profondes pour elles. Il coïncide donc parfaitement avec l'amour de la vertu, de la rectitude et delà bonté, et en réalité, c'est la même chose. Vous pourrez aisément juger par là de ce que nous regardons comme les signes de piété les plus certains et les seuls décisifs. Nous ne faisons aucun cas des fortes excitations. Nous regardons comme un homme pieux celui, et celui-là seul, qui se conforme dans la pratique aux perfections morales et au gouvernement de Dieu ; qui montre qu'il se plaît dans la bienveillance de Dieu, en aimant et servant son prochain, qu'il prend à cœur la justice de Dieu, en étant résolument intègre ; qui manifeste son sentiment de la pureté de Dieu, en mettant un frein à ses pensées, à son imagination et à ses désirs ; et dont la conversation, les occupations et la vie domestique sont dominées par la conscience qu'il a de la présence et de l'autorité de Dieu. Autrement en toutes choses l'homme peut se tromper. Des nerfs maladifs peuvent lui procurer des visions, des sons et des impressions étranges. Des textes de l'Écriture peuvent paraître lui venir du ciel. Toute son âme peut être remuée, et sa confiance en la faveur de Dieu devenir exagérée. Mais dans tout cela il n'y a pas de religion. La question est de savoir si l'on aime les commandements de Dieu, dans lesquels le caractère divin se dévoile pleinement, et si l'on y soumet ses habitudes et ses passions ? Sans cela, l'extase n'est que dérision. Soumettre une seule fois ses désirs à la volonté de Dieu, vaut mieux que mille transports. Nous ne jugeons pas des penchants de l'esprit humain par ces ravissements, pas plus que nous ne jugeons de la direction naturelle d'un arbre pendant une tempête. Nous suspectons plutôt ces fougues intempérées, car nous avons observé que les sentiments profonds sont généralement moins bruyants et cherchent moins à s'étaler.

    Qu'on ne s'imagine pas, d'après ces remarques, que nous voulons exclure la chaleur, ni même le transport, de la religion. Le vrai sentiment religieux mérite, sans contredit, qu'on l'honore et qu'on l'estime hautement. Nous croyons que le christianisme a pour but d'agir puissamment sur notre nature tout entière, sur le cœur aussi bien que sur l'intelligence et la conscience. Nous envisageons le ciel comme une condition dans laquelle l'amour de Dieu sera porté jusqu'à la ferveur, et donnera une joie sans limite ; et nous désirons, dans notre pèlerinage terrestre, nous abreuver de l'esprit de ce monde meilleur. Mais nous pensons que l'ardeur religieuse doit être estimée, seulement lorsqu'elle prend naturellement sa source dans un caractère cultivé, quand elle naît spontanément, quand elle est le prix de l'obéissance, quand elle est la chaleur d'un esprit qui comprend Dieu parce qu'il lui ressemble, lorsque enfin, au lieu d'apporter le désordre dans l'intelligence, elle l'élève, renforce la conscience, satisfait le cœur par l'accomplissement des devoirs ordinaires, et s'unit à l'enjouement, à la réflexion et à la discipline de la raison. Une certaine ferveur, dite religieuse, chez les hommes dont le caractère, dans son ensemble, ne dénote que peu de culture et d'élévation, et dont la piété semble en guerre avec la raison, est peu respectable à nos yeux. Nous honorons trop la religion pour attribuer son nom sacré à un zèle fiévreux, contraint, flottant, sans grande influence sur la vie.

    Nous croyons qu'une autre branche importante de la vertu, c'est l'amour pour le Christ. La grandeur de l'entreprise de Jésus, l'esprit dans lequel il la mit à exécution, et les souffrances qu'il endura pour notre salut, sont autant de titres sérieux à notre gratitude et à notre vénération. Nous ne découvrons pas dans la nature de beauté comparable à l'amabilité de son caractère, et nous ne rencontrons pas sur la terre un bienfaiteur auquel nous soyons redevables d'une pareille dette. Nous lisons son histoire avec ravissement et nous apprenons par elle à connaître la perfection de notre nature. Nous sommes particulièrement touchés par sa mort, supportée pour notre rédemption, et par cette énergie de charité qui triompha de ses souffrances. Sa résurrection est le fondement de notre espoir de l'immortalité. Son intercession nous inspire la hardiesse de nous approcher du trône de la grâce, et nous levons nos regards au ciel avec une nouvelle envie, en pensant que, si nous le suivons là haut, nous pourrons y contempler sa douce physionomie et jouir à jamais de son amitié.

    Je n'ai pas besoin de vous exprimer nos vues relativement aux vertus bienveillantes. Nous y attachons une telle importance, que souvent on nous reproche de les mettre au-dessus de la piété. Nous regardons l'esprit d'amour, de charité, d'humilité, d'indulgence, de générosité et de bienfaisance, comme le signe distinctif des Chrétiens, comme l'image la plus vive que nous puissions porter de Dieu, comme la meilleure preuve de piété. Il n'est pas nécessaire et je n'ai pas le loisir de m'étendre sur ce sujet, mais il est une espèce de bienveillance que je ne dois pas passer sous silence, parce que nous nous en formons une idée plus haute et plus juste que beaucoup de nos frères. Je veux parler du devoir de tolérance, de charité dans le jugement, spécialement envers ceux qui diffèrent de nous dans leurs opinions religieuses. Les Chrétiens ne se sont jamais plus départis de leur religion que sous ce point de vue. Nous lisons avec étonnement et horreur l'histoire de l'Église ; et parfois quand nous jetons un regard en arrière sur la chaleur de la persécution et sur le zèle des Chrétiens à établir entre eux des murs de séparation et à se vouer les uns les autres à la perdition finale, nous éprouvons le même sentiment que si nous lisions les annales d'un royaume de l'enfer plutôt que d'un royaume du ciel. Si l'on demandait à un ennemi de toute religion de tracer le portrait d'un Chrétien, il le dépeindrait, avec quelque apparence de raison, comme un homme idolâtre de ses opinions individuelles, revêtu de la livrée de parti, fermant les yeux sur les vertus, et les oreilles aux arguments de ses adversaires, revendiquant toute supériorité au profit de sa propre secte et toute faculté de salut pour sa propre croyance, cachant sous le nom de zèle pieux l'amour de la domination, la prétention à l'infaillibilité, l'esprit d'intolérance, et foulant aux pieds les droits des hommes sous le prétexte de sauver leurs âmes.

    Nous comprenons à peine qu'il existe une obligation plus claire vis-à-vis d'êtres frêles et faillibles comme nous, instruits à être sincères dans leurs jugements, que celle de s'abstenir de condamner des hommes d'une probité et d'une bonne foi manifestes, auxquels on ne peut imputer d'autre crime que de différer de nous dans l'interprétation de l'Écriture, et de différer d'ailleurs sur des points d'une obscurité patente et reconnue. Nous sommes étonnés de l'audace de ceux qui, les oreilles retentissantes encore des avertissements du Christ, prennent sur eux la responsabilité de fabriquer des confessions de foi pour son Église, et en excluent les hommes les plus vertueux, pour des erreurs imaginaires, pour le crime de penser par eux-mêmes. Nous savons que le zèle pour la vérité est le voile dont on se couvre pour usurper cette prérogative du Christ ; mais ce zèle pour la vérité, comme on l'appelle, est très suspect, pensons-nous, à moins qu'on ne le rencontre chez des hommes dont la capacité et la prééminence, dont la sagesse, les progrès dans l'humilité, la douceur, la sincérité, permettent d'espérer que leur manière de voir est plus juste que celle de leurs prochains. Nous ne professons qu'un médiocre respect pour ce que l'on répute souvent comme le zèle pour la vérité ; car d'ordinaire il semble se déployer le plus, là où les autres vertus sont rares et sans vigueur ; et nous n'avons pas de reconnaissance pour ces réformateurs prêts à nous imposer de force une doctrine, qui n'a pas adouci leur propre caractère et ne les a pas rendus meilleurs que leurs prochains.

    Nous sommes habitués à réfléchir beaucoup sur les difficultés, qui accompagnent les recherches religieuses et qui prennent leur source dans le développement tardif de nos esprits, dans le pouvoir des impressions de notre jeune âge, dans l'état de la société, dans l'autorité des hommes, dans la culture généralement négligée des forces de la raison, dans le défaut de principes de critique justes et de secours importants pour l'interprétation de l'Écriture et dans bien d'autres causes. Nous trouvons que sur aucun sujet les hommes, et même des hommes bien doués, n'ont greffé autant de conceptions étranges, autant de théories erronées, autant de fictions, que sur la religion ; et lorsque nous nous rappelons, que nous participons nous-mêmes à cette faiblesse commune, nous n'osons pas assumer sur nous l'infaillibilité dans le traitement de nos frères chrétiens, ni inspirer au commun des Chrétiens, qui ont peu de temps à consacrer aux investigations, l'habitude de dénoncer et de mépriser des croyances autrement dénommées, peut être plus éclairées et plus pures que la leur. Charité, tolérance, plaisir de reconnaître les vertus des différentes sectes, répugnance à censurer et à condamner, voilà les vertus que nous admirons et recommandons, bien qu'elles ne soient pas assez pratiquées par nous; et nous nous réunirons à l'Église dans laquelle elles abondent, bien plus volontiers qu'à aucune autre communion, quels que soient son orgueil et sa confiance dans sa propre orthodoxie, avec quelque rigidité qu'elle garde son symbole, de quelque zèle qu'elle soit enflammée contre des erreurs imaginaires et non moins enfin de la subversion de l'autorité humaine en matière de religion, de la décadence de ces hiérarchies et de ces autres institutions humaines, au moyen desquelles l'esprit individuel est accablé sous le poids du nombre, et la domination papale se perpétue jusque dans l'Église protestante. La prière la plus ardente que nous adressions à Dieu, c'est de vouloir renverser, et renverser, et renverser les fondations solides de l'usurpation spirituelle, jusqu'à ce qu'il vienne, celui dont le droit est de donner des règles aux esprits des hommes ; c'est de mettre fin a la conspiration des âges contre la liberté des Chrétiens ; c'est de remplacer l'assentiment servile, si longtemps accordé aux symboles humains, par une recherche sincère et pieuse du sens de l'Écriture; c'est enfin de permettre au Christianisme, ainsi purifié de l'erreur, de déployer son énergie toute puissante et de montrer lui-même, par sa noble influence sur l'esprit, qu'il est en effet « le pouvoir de Dieu pour notre salut. »

    J'ai terminé l'exposition des idées religieuses qui distinguent les Chrétiens au nom desquels je parle. Nous avons embrassé ce système, non à la hâte, ni à la légère, mais après mûre délibération; et nous y tenons fermement, non pas simplement parce que nous le croyons vrai, mais parce que nous le regardons comme une vérité purifiante, comme une doctrine en harmonie avec la piété, capable d'agir puissamment sur ceux qui y croient et de fructifier en eux. Que nous désirions la propager, c'est ce que nous n'avons pas l'intention de cacher ; mais pourquoi ? parce qu'elle est, selon nous, plus favorable à la piété pratique et à la pureté des moeurs que les doctrines opposées, qu'elle nous fournit une idée plus claire et plus élevée du devoir et des motifs plus puissants pour sa réalisation, qu'elle recommande la religion à la fois à l'intelligence et au cœur, qu'elle affirme les attributs aimables et respectables de Dieu, qu'elle tend à restaurer l'esprit de bienveillance de Jésus dans son Église divisée et affligée, et qu'enfin elle extirpe tout espoir de la faveur de Dieu, excepté celle qui découle de la conformité de nos actes avec la vie et les préceptes du Christ. Nous ne découvrons rien dans nos idées qui puisse choquer, si ce n'est leur pureté, et c'est précisément leur pureté qui nous fait rechercher et espérer leur extension dans le monde.

    Mon ami et frère, vous allez embrasser aujourd'hui d'importants devoirs ; vous allez revêtir une charge que le fils de Dieu n'a pas dédaignée; vous allez vous consacrer à cette religion, que les lèvres les plus saintes ont prêchée et qui a été scellée du sang le plus précieux. Nous avons l'assurance que vous apporterez dans cette œuvre un esprit de bonne volonté, une ferme résolution, une ardeur de martyr, une disposition à travailler et à souffrir pour la vérité, une envie de consacrer vos meilleures énergies aux intérêts de la piété et de la vertu. J'ai parlé des doctrines que vous prêcherez probablement; mais je n'entends pas par là que vous vous livriez à la controverse. Vous vous rappellerez que la pratique du bien est la fin de la prédication, et vous vous efforcerez plutôt à faire de vos auditeurs des gens vivant saintement que de subtils disputeurs. Prenez garde que le désir de défendre ce que vous estimez comme la vérité, et de repousser les reproches et les fausses imputations, ne vous détourne de votre grande occupation, qui est d'établir dans les esprits des hommes une conviction vivace de l'obligation, de la sublimité et du bonheur de la vertu chrétienne. Le meilleur moyen de défendre vos opinions, c'est de montrer, dans vos prédications et dans votre vie, leur connexion intime avec la morale chrétienne, avec un sentiment élevé et exquis du devoir, avec la sincérité à l'égard de vos adversaires, avec une inflexible intégrité et avec un respect continuel pour Dieu. S'il est une lumière qui puisse percer et dissiper les nuages du préjugé, c'est celle d'un exemple pur. Mon frère, puisse votre vie prêcher plus hautement que vos lèvres. Soyez pour ce troupeau un modèle de toutes les bonnes œuvres, et puissent vos instructions puiser leur autorité dans cette conviction bien établie chez vos auditeurs, que vous parlez du cœur, que vous prêchez par expérience, que la vérité dont vous êtes le dispensateur a puissamment opéré sur votre propre cœur, que Dieu, Jésus, le ciel, ne sont pas seulement des mots sur vos lèvres, mais que ce sont des réalités qui agissent sur votre esprit, des sources d'espoir, de consolation et de force dans toutes vos épreuves ! En travaillant ainsi, puissiez-vous récolter une moisson abondante, et acquérir un témoignage de votre sincérité, non seulement dans votre propre conscience, mais dans l'estime, l'amour, les vertus et l'amélioration de votre troupeau!

    A tous ceux qui m'écoutent, je dirai avec l'Apôtre : Éprouvez tout, tenez-vous fermement à ce qui est bon. Ne reculez pas, mes frères, devant le devoir de chercher la parole de Dieu par vous-mêmes, sans crainte de la censure ni de la dénonciation des hommes. Ne pensez pas que vous pouvez suivre innocemment les opinions qui prévalent autour de vous, en négligeant toute investigation, et en vous fondant sur cette idée que le Christianisme est maintenant si pur d'erreurs qu'on n'a pas besoin de faire de laborieuses recherches. Il y a beaucoup de raisons de croire que le Christianisme est actuellement souillé par une corruption épaisse et volontaire. Si vous vous rappelez les ténèbres qui ont enveloppé l'Évangile pendant des siècles ; si vous considérez l'union impure, qui existe encore aujourd'hui dans presque tous les pays chrétiens, entre l’Église et l'Etat, et qui par l'intérêt et l'ambition engage les hommes à se ranger du côté de l'erreur dominante ; si vous vous souvenez de quelle manière l'esprit d'intolérance a comprimé la libre recherche, non seulement avant, mais depuis la Réforme, vous verrez que lé Christianisme n'a pu s'affranchir de toutes les inventions humaines qui l'ont défiguré sous la tyrannie papale. Non. Il y aura encore bien du chaume à brûler, bien des décombres à remuer, bien de fastueuses décorations, dont un faux goût a surchargé le Christianisme, à balayer, bien des brouillards terrestres, sous lesquels il a été si longtemps enseveli, à dissiper, avant que cet édifice divin ne s'élève à nos regards dans son auguste et primitive majesté, dans ses proportions harmonieuses, dans sa paisible et céleste splendeur. Cette glorieuse réformation de l'Église, nous l'espérons, avec la grâce de Dieu, du progrès de l'intelligence humaine, du perfectionnement moral de la société, delà chute inévitable des préjugés et de la superstition, et non moins de la subversion de l’autorité humaine en matière de la religion, de la décadence de ces hiérarchies et de ces autres institutions humaines, au moyen desquels l’esprit individuel est accablé sous le poids du nombre, et la domination papale se perpétue jusqu’à dans l’Église Protestante. La prière la plus ardente que nous adressions à Dieu, c’est de vouloir renverser, et renverser, et renverser les fondations solides de l’usurpation spirituelle, jusqu’à ce qu’il vienne, celui qui a le droit de donner des règles aux esprits des hommes : c’est de  mettre fin à la conspiration des âges contre la liberté des Chrétiens ; c’est de remplacer l’assentiment servile, si longtemps accordé aux symboles humains, par une recherche sincère et pieuse du sens de l’Écriture ; c’est enfin de permettre au Christianisme, ainsi purifié de l’erreur, de déployer son énergie toute puissante et de montrer de lui-même, par sa noble influence sur l’esprit, qu’il est en effet « le pouvoir de Dieu pour notre salut .»

     


     Table des matières. 

     

     

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    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

     

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    DISCOURS PRONONCÉ LORS DE L'ORDINATION DU RÉV. JARED SPARKS, BALTIMORE. 1819.

     

     

    Les circonstances particulières de cette cérémonie, non seulement me justifieront si je me suis départi de la marche suivie ordinairement par les prédicateurs, lors de l'admission d'un frère au ministère sacré, mais elles semblent même exiger que je le fasse. Il est d'usage, en pareille occasion, de parler de la nature, du but, des devoirs et des avantages du ministère chrétien, et je serais certainement heureux d'insister sur ces points, si je ne me rappelais qu'il s'agit aujourd'hui d'introduire un ministre dans une association religieuse, dont les opinions, par leur caractère particulier, ont attiré sur elles de nombreuses remarques, et, je regrette de le dire, de nombreux reproches. Beaucoup de bons esprits, beaucoup de Chrétiens sincères, craignent, je le sais, que les solennités de ce jour ne soient de nature à donner une certaine influence à des principes qu'ils regardent comme faux et dangereux. Je respecte les craintes et les inquiétudes de pareils hommes, et c'est parce que j'ai la conviction qu'elles reposent en partie sur une erreur, que j'ai pensé de mon devoir de vous exposer aussi clairement que je le puis, quelques-unes des opinions qui caractérisent dans notre patrie les Chrétiens connus pour sympathiser avec cette association religieuse. Je dois réclamer votre patience pour un sujet qu'on ne peut renfermer dans un cercle étroit. Je dois vous prier aussi de vous rappeler qu'il est impossible de dérouler, dans un simple discours, nos vues sur chaque point de la révélation, et encore moins les différences d'opinions qui existent, comme on le sait, parmi nous-mêmes. Je me bornerai aux points sur lesquels nos sentiments ont été faussement exposés, ou qui nous distinguent le plus radicalement des autres Chrétiens. Ne puis-je pas espérer d'être écouté avec bonne foi ? Que Dieu nous préserve de toute prévention et de toute défaveur et qu'il nous remplisse d'amour pour la vérité et la vertu !

    Mes pensées peuvent naturellement se ranger sous deux rubriques. Je tâcherai d'exposer d'abord les principes que nous adoptons pour l'interprétation de la Bible, et en second lieu, quelques-uns des points de doctrine que la Bible, ainsi interprétée, nous semble exprimer d'une manière manifeste.

     

    I. L'EMPLOI DE LA RAISON DANS L'INTERPRÉTATION DE LA BIBLE.

     

    Nous regardons la Bible comme les archives des révélations successives faites au genre humain par Dieu, et particulièrement de la dernière révélation, de la révélation la plus parfaite de sa volonté par l'intermédiaire de Jésus-Christ. Toutes les doctrines qui nous paraissent enseignées clairement dans l'Écriture, nous les admettons sans réserve, sans exception. Nous n'attachons cependant pas la même importance à tous les livres de cette collection. Nous pensons que notre religion a surtout sa base dans le Nouveau Testament. Les enseignements de Moïse dans leurs rapports avec ceux de Jésus-Christ, nous les envisageons comme adaptés à l'enfance de la race humaine, nous les regardons comme une préparation à une doctrine plus élevée, comme une œuvre utile, principalement parce qu'elle sert de confirmation et de commentaire à l'Écriture chrétienne. Jésus Christ est le seul maître des Chrétiens, et tout ce qu'il a enseigné, soit pendant la durée de son ministère personnel, soit par l'inspiration de ses Apôtres, nous le regardons comme étant d'autorité divine, et nous le professons comme formant la règle de notre vie.

    Cette autorité que nous accordons à l'Écriture, on le comprend, est une raison de l'étudier avec une attention toute spéciale et de rechercher scrupuleusement les principes d'interprétation, au moyen desquels son véritable sens peut être constaté. Les principes adoptés par la catégorie de Chrétiens au nom desquels je parle, ont besoin d'être exposés, parce qu'ils ont été souvent mal entendus. On nous accuse particulièrement de faire un emploi illicite de la raison dans l'interprétation de l'Écriture. On nous reproche d'exalter la raison au-dessus de la révélation, de préférer notre propre sagesse à celle de Dieu. On a si facilement mis en circulation tant d'accusations vagues de cette nature, que nous, pensons devoir a nous-mêmes, devoir à la cause de la vérité, d'énoncer nos vues avec quelque détail.

    Notre premier principe d'interprétation de l'Écriture est celui-ci : La Bible est un livre écrit pour les hommes, dans la langue des hommes, et il faut rechercher son sens de la même manière que celui des autres livres. Nous croyons que Dieu, quand il parle à la race humaine, se conforme, pour ainsi dire, aux règles ordinaires de parler et d'écrire. De quelle utilité la Bible serait-elle pour nous, si elle était écrite dans un langage inconnu?

    Tout livre, tout entretien, exige dé la part du lecteur ou de l'auditeur l'exercice constant de sa raison ; leur véritable sens ne peut être saisi que par des comparaisons et des raisonnements continuels. Le langage des hommes, on le sait, donne lieu à des interprétations diverses ; chaque mot, chaque sentence doit être modifiée et expliquée, d'après le sujet qui est en discussion, d'après le dessein, les sentiments, la condition et les principes de l'écrivain, d'après le génie propre de la langue dont il se sert. Ce sont là des principes généralement admis dans l'interprétation des écrits des hommes ; et celui, dont nous voudrions expliquer les paroles sans recourir à ces principes, nous reprocherait à juste titre de manquer de bonne foi, et de vouloir obscurcir ou dénaturer sa pensée.

    Si la Bible avait été écrite dans une langue et un style propres à elle seule, si elle consistait en paroles qui n'admettraient qu'un seul sens, si elle ne se composait que de sentences entièrement indépendantes les unes des autres, il n'y aurait pas lieu de lui appliquer les principes que nous venons de mentionner. Nous ne pourrions pas parler de ce livre comme des autres écrits. Mais un tel livre serait de bien peu de valeur ; et peut être que de tous les livres, c'est précisément l'Écriture qui s'accorde le moins avec la description que nous venons de faire. La parole de Dieu porte le cachet de la même main que nous retrouvons dans ses œuvres. Elle a des rapports et des affinités a l'infini. Chaque proposition est liée, et doit être comparée à d'autres, pour qu'on puisse en saisir le sens complet et précis. Rien n'est isolé. Le Nouveau Testament repose sur l'Ancien. La doctrine chrétienne est la continuation du Judaïsme, elle est l'accomplissement d'un vaste plan de la Providence, qui exige une grande portée de vue de la part du lecteur. Ce n'est pas tout. La Bible traite de sujets sur lesquels nous recevons des idées par d'autres sources ; ces sujets sont, par exemple, la nature, les passions, les rapports et les devoirs de l'homme ; et elle attend de nous que nous apportions à ses expressions les restrictions et les modifications nécessaires, pour la mettre en harmonie avec les vérités que l'observation et l'expérience nous fournissent sur ces matières.

    Nous avouons ne pas connaître de livre qui exige un plus fréquent emploi de la raison que la Bible. Indépendamment des remarques que nous avons faites sur ses rapports infinis, nous devons encore observer que son style n'affecte nulle part la précision de la science, ni l'exactitude des définitions. Son langage est singulièrement éclatant, hardi, figuré ; il demande qu'on s'écarte bien plus souvent du sens littéral, que le langage de notre époque et de notre pays ; il exige par conséquent un exercice bien plus constant du jugement. Nous trouvons aussi que les différentes parties de ce livre, au lieu de se renfermer dans les vérités générales, se rapportent sans cesse aux temps pendant lesquels elles ont été écrites, à des états sociaux, à des manières de penser, à des controverses religieuses, à des sentiments, à des usages qui se sont évanouis, et sans la connaissance desquels nous courons toujours le danger d'étendre à tous les temps, à tous les lieux, ce qui n'était que temporaire et d'une application locale. Nous trouvons encore que plusieurs de ces livres portent fortement l'empreinte du génie et du caractère particulier de leurs auteurs respectifs, que l'esprit saint, par exemple, ne servait pas de guide aux Apôtres au point de faire disparaître leur tournure particulière d'esprit, et que la connaissance de leurs sentiments et des influences sous lesquelles ils ont été placés, est une préparation à l'intelligence de leurs écrits. Avec cette manière d'envisager la Bible, nous estimons qu'il est de notre strict devoir d'exercer continuellement notre raison sur elle, de comparer, de tirer des inductions, de chercher l'esprit sous la lettre, de scruter la nature du sujet, le but de l'écrivain, sa véritable pensée ; et en général, de partir de ce qui est connu pour aplanir les difficultés et pour découvrir des vérités nouvelles.

    Ai-je besoin de descendre dans des détails pour prouver que l'Écriture exige l'emploi de la raison ? Prenez, par exemple, les termes dont elle se sert ordinairement pour parler de Dieu, et donnez-vous la peine d'observer combien habituellement elle attribue à Dieu des organes, des passions humaines. Rappelez-vous les déclarations du Christ, quand il dit qu'il est venu non pour apporter la paix, mais la guerre ; qu'à moins de manger sa chair et de boire son sang, nous n'avons pas de vie en nous ; que nous devons haïr père et mère, et arracher notre œil droit ; et une foule d'autres passages également forts, également outrés. Rappelez-vous la manière exagérée avec laquelle on dit des Chrétiens, qu'ils possèdent tout, qu'ils savent tout, et peuvent tout faire. Rappelez-vous les contradictions de mots, qui existent entre Paul et Jacques, et le désaccord apparent qui règne entre plusieurs parties des écrits de Paul et la doctrine générale du christianisme. Je pourrais étendre indéfiniment cette énumération ; mais qui ne voit pas, que nous devons déterminer tous ces passages par les attributs connus de Dieu, de Jésus-Christ, de la nature humaine, et par les circonstances dans lesquelles ils ont été écrits, de manière à donner aux expressions une portée tout-a-fait différente de celle qu'elles auraient exigée, si elles avaient dû s'appliquer à d'autres êtres, ou si on avait dû s'en servir pour un autre ordre d'idées?

    J'en ai dit assez pour montrer dans quel sens nous devons faire usage de la raison pour l'interprétation de l'Écriture. Quand nous nous trouvons en présence d'un certain nombre d'interprétations possibles, nous choisissons celle qui s'accorde avec la nature du sujet et la condition de l'écrivain, avec le passage envisagé dans ses rapports à ce qui précède et à ce qui suit, avec le style général de l'Écriture, avec le caractère et la volonté manifestes de Dieu, avec les lois évidentes et reconnues de la nature. En d'autres termes, nous croyons que jamais Dieu ne contredit dans un endroit de l'Écriture ce qu'il enseigne dans un autre ; que jamais non plus il ne contredit, dans la révélation, ce qu'il enseigne par ses oeuvres et par les effets de sa providence. Nous nous méfions donc de toute interprétation qui, après une attention soutenue, .nous semble contraire à une vérité établie. Nous raisonnons à l'égard de la Bible précisément comme des hommes de loi à l'égard de la constitution sous laquelle nous vivons. Or, vous le savez, ils sont dans l'habitude de limiter une disposition spéciale de ce code respectable par les autres, de déterminer le sens précis de ses différentes parties, en recherchant son esprit général, l'intention de ses auteurs, les sentiments, les impressions et les circonstances prédominantes à l'époque où il fut élaboré. Sans ces principes d'interprétation, nous reconnaissons ouvertement que nous ne pouvons soutenir l'autorité divine de l'Ecriture. Qu'on nous refuse cette latitude, et nous devons abandonner ce livre à ses ennemis.

    Nous ne proclamons pas ces principes comme originaux, comme propres à nous. Tous les Chrétiens, sans excepter ceux mêmes qui les décrient avec le plus de véhémence, les adoptent à l'occasion, lorsqu'il s'agit de défendre quelque article favori de leur croyance. Tous les Chrétiens sont obligés de s'en servir dans leurs controverses avec des infidèles. Toutes les sectes les emploient dans leurs hostilités. Tous se servent volontiers de la raison quand elle peut être enrôlée au service de leur parti, et ils ne récriminent contre elle que lorsque ses armes les blessent eux-mêmes. Personne ne raisonne plus fréquemment que ceux dont nous différons. Il est étonnant de voir quoi édifice ils savent élever au moyen d'un petit nombre de vagues insinuations sur la chute de nos premiers parents ; et comme ils savent tirer ingénieusement, de passages détachés, des doctrines mystérieuses sur la nature divine. Nous les blâmons, non pas de raisonner avec tant d'abondance, mais de violer les règles fondamentales du raisonnement, en sacrifiant le clair à l'obscur, et le ton général de l'Écriture à un petit nombre de textes isolés.

    Nous combattons avec force l'air de mépris avec lequel nos adversaires parlent si souvent de la raison humaine, parce que, à notre avis, cela mène droit au scepticisme universel. Si la raison a été si terriblement obscurcie par la chute, que ses jugements les plus décisifs sur la religion ne méritent aucune confiance, alors le christianisme, et même la théologie naturelle, doivent être abandonnés ; car l'existence et la véracité de Dieu, tout aussi bien que l'origine divine du christianisme, sont des conclusions de la raison ; elles doivent rester debout ou tomber avec elle. Si la révélation est en guerre avec la raison, elle se détruit elle-même, car la grande question de sa vérité doit être décidée à la barre de la raison ; Dieu l'a permis ainsi. C'est une chose digne de remarque, combien le fanatique et le sceptique se rapprochent étroitement. Tous deux voudraient réduire à néant notre confiance dans nos facultés, et tous deux répandent le doute et la confusion sur toutes les vérités. Nous respectons trop profondément la révélation pour en faire l'antagoniste de la raison, ou pour nous imaginer qu'elle exige que nous renoncions à nos plus puissantes énergies.

    Nous reconnaissons sans doute que l'emploi de la raison en matière religieuse est accompagné de quelque danger. Mais nous demandons à tout honnête homme de jeter un regard rétrospectif sur l'histoire de l'église et de nous dire ensuite si renoncer à la raison ne présente pas encore un bien plus grand danger. D'ailleurs, c'est un fait positif, l'homme raisonne aussi faux sur tous les autres sujets que sur la religion. Qui ne connaît les théories extravagantes et sans fondement qu'on a inventées dans les sciences physiques et politiques ? Mais qui a jamais supposé qu'il fallût cesser d'exercer notre raison sur la nature et la société, parce qu'on s'est trompé pendant des siècles dans les explications qu'on en a données? Nous en convenons, les passions troublent continuellement, et quelquefois mortellement, notre faculté rationnelle dans ses recherches sur la révélation. Les ambitieux s'efforcent de trouver dans la Bible des doctrines qui favorisent leur amour de la domination. Les gens timides et abattus y découvrent un sombre système, les mystiques et les fanatiques, une théologie de visionnaire. l,es vicieux peuvent y puiser des exemples et des assertions, sur lesquels ils font reposer l'espoir d'un repentir tardif, ou d'une réconciliation sous de faciles conditions. Les esprits faussement raffinés veulent y mettre en lumière des thèses qui n'ont pas été souillées par le contact du vulgaire. Mais les passions ne font pas plutôt dévier la raison dans les recherches religieuses que dans celles d'un autre genre, qui excitent un intérêt plus puissant et plus général ; et par conséquent, il ne faut pas renoncer à cette faculté en religion, à moins que nous ne soyons disposés à l'abdiquer en tout d'une manière absolue. La véritable conséquence à tirer des erreurs presque sans fin qui ont obscurci la théologie, c'est, non pas que nous devons négliger et dépriser nos facultés, mais que nous devons les exercer avec plus de patience, plus de circonspection, plus de droiture. Les pires erreurs, après tout, ont précisément surgi dans cette église qui proscrit la raison et qui exige de ses membres une foi implicite. Les doctrines les plus pernicieuses ont été le produit des temps les plus obscurs, lorsque la crédulité générale encourageait des hommes pervers et des enthousiastes à débiter leurs inventions et leurs rêveries, et à étouffer les faibles remontrances de la raison par les menaces d'une perdition éternelle. Dites ce que vous voulez, Dieu nous a donné une nature rationnelle et nous demandera compte de son emploi. Nous pouvons la laisser dormir, mais si nous le faisons, c'est à nos risques et péril. La révélation nous est adressée comme à des êtres doués de raison. Nous pouvons désirer, dans notre paresse, que Dieu nous eût donné un système n'exigeant aucun travail de comparaison, de restriction, de déduction. Mais un tel système eût été en contradiction avec tout le caractère de notre existence actuelle ; et c'est le rôle de la sagesse d'accepter la révélation comme elle nous a été donnée, et de l'interpréter à l'aide des facultés qu'elle suppose et sur lesquelles elle s'appuie.

    Aux vues que nous venons d'exposer, on oppose ordinairement une objection tirée des attributs de Dieu. Dieu, dit-on, étant infiniment plus sage que l'homme, les vérités qu'il dévoile doivent surpasser la raison humaine. Dans une révélation faite par un tel instituteur, nous devons nous attendre à des propositions, que nous ne pouvons concilier les unes avec les autres et qui peuvent sembler en contradiction avec des vérités établies ; et il nous appartient, non pas d'élever des doutes sur elles ou de les expliquer, mais de croire, d'adorer et de soumettre notre faible et charnelle raison à la parole divine. A cette objection, nous avons deux courtes réponses à faire. Nous disons d'abord, qu'il est impossible qu'un instituteur d'une infinie sagesse expose ceux qu'il veut enseigner à une erreur infinie. Du moment que nous admettons que des propositions, qui, prises dans leur sens littéral, semblent évidemment en désaccord les unes avec les autres, ou avec quelque vérité reconnue, doivent cependant être entendues et acceptées à la lettre, quelle limite possible pouvons-nous assigner à la foi dans des contradictions? Quel refuge avons-nous contre le fanatisme le plus déréglé, qui peut toujours citer des passages tels que, pris dans leur sens littéral et palpable, ils viennent prêter appui à leurs extravagances? Comment les Protestants peuvent-ils échapper à la doctrine de la transsubstantiation, doctrine qui nous est enseignée si textuellement, si la soumission de la raison, actuellement contestée, est un devoir pour nous ? Comment pouvons-nous même croire fermement à la vérité de la révélation? Car si une contradiction apparente peut être vraie, il n'y a pas de raison pour qu'une autre ne puisse pas l'être aussi, et alors la proposition que le christianisme est faux, bien qu'elle implique contradiction, pourrait aussi être vraie.

    Nous répondrons en deuxième lieu que, si Dieu est infiniment sage, il ne peut pas se jouer de l'intelligence de ses créatures. Un sage instituteur fait preuve de discernement en se mettant au niveau de la capacité de ses élèves, et non pas en jetant le trouble dans leur esprit par des choses inintelligibles, ni en les mettant à la torture par des contradictions manifestes, ni en leur distillant le doute et la défiance de leurs propres facultés. Un maître infiniment sage, qui connaît la portée exacte de nos esprits et la meilleure méthode d'y répandre la lumière, surpassera tous les autres instituteurs dans la manière de mettre la vérité à la hauteur de notre pensée et de faire ressortir tout ce qu'elle a d'aimable et d'harmonieux. Sans doute, nous devons nous attendre à rencontrer ça et là des obscurités dans un livre tel que la Bible, qui a été écrit pour le passé et pour l'avenir, aussi bien que pour le présent. Mais la sagesse de Dieu nous garantit que tout ce qui est nécessaire pour nous, et nécessaire pour notre salut, est trop clairement révélé pour être mal compris, et trop rationnellement pour être mis en doute par un esprit sensé et droit. Ce n'est pas la marque de la sagesse de se servir d'une phraséologie incompréhensible, de nous communiquer ce qui est au-dessus de nos capacités, de rendre l'intelligence confuse et désordonnée par des apparences de contradictions. Nous vénérons trop notre instituteur céleste pour lui attribuer une pareille révélation. Une révélation est un don de lumière. Elle ne peut pas rendre nos ténèbres plus épaisses, ni accroître nos perplexités.

     


     Table des matières. 

     

     

     

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    Didier Le Roux

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  •       W.-E. CHANNING

    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

     

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN. (partie 2)

    DISCOURS PRONONCÉ LORS DE L'ORDINATION DU RÉV. JARED SPARKS, BALTIMORE. 1819.

    .

     

    II. POINTS DE DOCTRINE.

    Après avoir ainsi déterminé les principes suivant lesquels nous interprétons l'Écriture, je vais passer à la deuxième grande division de ce discours, dans laquelle je dois exposer quelques-uns des points que nous faisons découler de ce livre sacré, particulièrement ceux qui nous distinguent des autres chrétiens.

    l Unité de Dieu.

    En premier lieu, nous professons la doctrine de l'Unité de Dieu, c'est-à-dire qu'il n'y a qu'un Dieu, un seul Dieu. Nous accordons une importance infinie à cette vérité, et nous nous sentons astreints a prendre garde que personne ne nous en dépouille par une vaine philosophie. La proposition qu'il n'y a qu'un Dieu, nous semble excessivement claire. Nous entendons par là qu'il n'y a qu'un être, un esprit, une personne, un agent intelligent, et qu'il n'y a que lui seul à qui appartiennent la perfection et la puissance infinies et absolues. Nous croyons que ces paroles n'ont pu avoir un autre sens pour le peuple simple et inculte, qui a été destiné à être le dépositaire de cette grande vérité, et qui était tout à fait incapable de comprendre les distinctions subtiles entre l'être et la personne, distinctions que la perspicacité des âges postérieurs a découvertes. Nous ne voyons nulle part qu'on nous ait avertis de prendre ces mots dans un sens inusité, ou de regarder l'unité de Dieu comme une chose totalement différente de l'unité des autres êtres intelligents.

    Nous reprochons à la doctrine de la Trinité, tout en reconnaissant en paroles l'unité de Dieu, de la renverser en réalité. D'après cette doctrine, il y a trois personnes infinies et égales, possédant la suprême divinité, savoir : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Chacune de ces personnes, telle que la représentent les théologiens, a sa conscience, sa volonté et ses intuitions propres. Elles s'aiment l'une l'autre, s'entretiennent l'une avec l'autre, et se plaisent dans la société l'une de l'autre. Elles jouent des rôles différents dans la rédemption de l'homme, chacune ayant à remplir sa mission particulière, et aucune d'elles n'empiétant sur la fonction de l'autre. C'est le fils qui est médiateur et non le père. Le père envoie le fils et lui-même n'est pas envoyé ; il n'est pas capable, comme le fils, de revêtir une forme charnelle. Ainsi, nous avons trois agents intelligents, possesseurs de consciences différentes, de volontés différentes, de perceptions différentes, accomplissant des actes différents, et soutenant des rapports différents ; et si ces choses-là ne supposent pas et ne constituent pas trois esprits ou trois êtres, il nous est tout à fait impossible de comprendre ce qui forme trois esprits ou trois êtres. C'est la différence de propriétés, d'actes, de conscience, qui nous porte a croire à des êtres intelligents différents, et si ces indices nous font défaut, toute notre connaissance s'évanouit; nous n'avons plus de preuve que tous les agents et toutes les personnalités de l'univers ne soient pas un seul et même esprit. Si nous essayons de concevoir trois Dieux, nous ne pouvons faire autre chose que de nous représenter trois agents, se distinguant l'un de l'autre par des particularités semblables à celles qui servent à séparer les personnes de la Trinité ; et lorsque le commun des Chrétiens entend parler de ces personnes, comme conversant l'une avec l'autre, s'aimant l'une l'autre, et accomplissant des actes différents, comment peuvent-ils s'empêcher de les regarder comme des êtres ou des esprits différents?

    Nous protestons donc avec toute la véhémence possible, sans cependant verser le moindre blâme sur nos frères, contre la doctrine irrationnelle et opposée à l'Écriture, de la Trinité. « Pour nous, » comme pour l'apôtre et les chrétiens primitifs, « il n'y a qu'un Dieu, Dieu le Père. » Avec Jésus, nous adorons le Père comme le seul véritable Dieu, le Dieu vivant. Nous sommes vraiment étonnés qu'un homme puisse lire le Nouveau Testament et se soustraire à la conviction que le Père seul est Dieu. Nous voyons notre Sauveur attribuer continuellement ce caractère au Père. Nous trouvons le Père sans cesse qualifié de cette manière par Jésus : « Dieu envoya son fils. » « Dieu a consacré Jésus. » Quelle singulière et inexplicable phraséologie nous offre le Nouveau Testament, si ce titre appartient également à Jésus et si le principal objet de ce livre est de le révéler comme Dieu, comme partageant également avec le Père la divinité suprême ! Nous défions nos adversaires de produire un seul passage dans le Nouveau Testament, où le mot Dieu veut dire trois personnes, où il n'est pas limité à une seule personne, et où, à moins d'être détourné de son sens usuel par de faux rapprochements, il ne signifie pas le Père. Peut-on donner une preuve plus forte que la doctrine de trois personnes en Dieu n'est pas un dogme fondamental du christianisme?

    Cette doctrine, si elle était vraie, aurait dû, à cause de sa difficulté, de sa singularité et de son importance, être produite avec une grande clarté, soutenue avec grand soin, et établie avec toute la précision possible. Mais où donc sont les traces de son établissement? Dans les nombreux passages où il est question de Dieu, nous n'en demandons qu'un, rien qu'un, dans lequel il soit dit que Dieu est un être triple, ou qu'il forme trois personnes, ou qu'il est père, fils et saint esprit. Au contraire, dans le Nouveau Testament, partout au moins où l'on pourrait s'attendre à rencontrer un grand nombre d'assertions positives de cette nature, Dieu est déclaré être un, sans la moindre restriction de nature à nous empêcher de prendre ces mots dans leur acception usuelle ; il est toujours question de lui et on s'adresse toujours à lui au singulier, c'est-à-dire, dans des termes qui sont universellement entendus comme ne s'appliquant qu'à une seule personne, et auxquels on n'aurait pu attacher d'autre idée, sans en être expressément averti. L'Écriture s'abstient si complètement d'établir la doctrine de la Trinité, que lorsque nos adversaires veulent la ranger au nombre de leurs dogmes, ils sont obligés d'abandonner la Bible et d'imaginer des façons de parler qui ne sont nullement sanctionnées par la terminologie biblique. Qu'une doctrine aussi étrange, .aussi sujette à être mal comprise, aussi fondamentale qu'on le prétend, et ayant besoin d'être exposée avec tant de soin, ait été aussi peu définie, aussi faiblement soutenue, qu'on soit obligé de la produire par voie de raisonnement, ou de la découvrir au moyen de passages éloignés et isolés de l'Écriture, c'est là une difficulté qu'à notre avis l'homme le plus habile ne peut lever.

    Voici une autre difficulté. Le christianisme, on se le rappelle, a germé et a grandi au milieu d'ennemis clairvoyants, qui n'ont dû laisser passer aucune partie faible de la doctrine, et qui auraient dû se jeter avec empressement sur un dogme renfermant autant de contradictions manifestes que la Trinité. Nous ne connaissons pas de point contre lequel les Juifs, qui se glorifiaient d'être les partisans de l'unité de Dieu, se seraient récriés avec autant de bruit. Comment se fait-il donc que, dans les écrits des Apôtres, qui contiennent tant de renseignements sur 'les objections soulevées contre le christianisme, et sur les controverses auxquelles cette religion donna lieu, il ne soit pas dit un mot, qui fasse supposer que des objections aient été mises en avant contre l'Évangile à propos du dogme de la Trinité? Comment se fait-il que pas un mot n'ait été proféré pour sa défense et son explication, pas un mot pour le laver du reproche d'erreur? Cet argument a presque la force d'une démonstration. Nous sommes persuadés que si les premiers prédicateurs du christianisme avaient proclamé trois personnes divines, toutes égales, toutes infinies, dont l'une était Jésus lui-même, mort récemment sur la croix, ce dogme particulier du christianisme aurait, pour ainsi dire, absorbé tous les autres, et la grande mission des Apôtres aurait été de repousser les assauts continuels qu'il aurait suscités. Mais le fait est que pas la plus légère objection contre le christianisme à ce sujet ne vient frapper nos oreilles pendant la période apostolique. Dans les Épîtres on ne rencontre pas de traces de controverse soulevée par la Trinité.

    Nous avons encore des objections ultérieures contre cette doctrine et ces objections, nous les puisons dans son influence pratique. Nous la regardons comme peu favorable à la dévotion, parce qu'elle partage et distrait l'esprit dans sa communion avec Dieu. C'est-là la grande supériorité de la doctrine de l'unité de Dieu, c'est qu'elle ne nous offre qu'un seul objet comme méritant notre hommage, notre adoration, notre attachement suprême, qu'un Père infini, qu'un être des êtres, seul modèle et seule source à laquelle nous pouvons rapporter tout bien, dans lequel nous pouvons concentrer toutes nos facultés et toutes nos affections, et dont la nature digne d'amour et de vénération peut pénétrer toutes nos pensées. La véritable piété, quand elle ne doit s'adresser qu'à une divinité indivisible, revêt un caractère de pureté et de sincérité extrêmement favorable au respect et au sentiment religieux. Or, la Trinité place devant nous trois objets distincts, dignes d'adoration suprême ; trois personnes infinies, ayant des droits égaux sur nos cœurs ; trois agents divins, remplissant des rôles différents et auxquels nous devons reconnaissance et hommage sous différents rapports. Est-il possible, nous le demandons, que l'esprit faible et borné de l'homme puisse s'attacher à elles avec la même énergie et la même joie qu'à un seul Père infini, seule cause première vers laquelle tous les bienfaits de la nature et de la rédemption viennent converger comme vers leur centre et leur source? La dévotion n'est-elle pas distraite par les prétentions rivales de trois personnes égales? Le culte du chrétien consciencieux et ferme dans sa foi n'est-il pas troublé par la crainte de ne pas rendre à l'une ou l'autre de ces personnes la part d'hommage qui lui est due?

    Nous pensons donc que la doctrine de la Trinité fait tort à la dévotion, non seulement en adjoignant au Père d'autres objets d'adoration, mais en détournant du Père l'affection suprême qui lui est due, et en la transférant au Fils. C'est-là un point de vue d'une haute importance. Que Jésus-Christ, une fois élevé au rang de la divinité infinie, attirât sur lui plus d'intérêt que le Père, c'est précisément ce à quoi l'on devait s'attendre d'après l'histoire, et d'après les éléments de la nature humaine. L'homme a besoin d'un objet d'adoration qui lui' ressemble et le grand secret de l'idolâtrie, c'est cette propension. Un Dieu, revêtu de notre forme, ressentant nos besoins et nos peines, parle bien plus fortement à notre faible nature, sinon aux âmes réfléchies et purifiées, qu'un Père dans le ciel, qu'un esprit pur, invisible et inaccessible. Nous croyons aussi que les mérites particuliers, attribués à Jésus par la théologie populaire, font de lui la personne la plus sympathique de la Divinité. Le Père est le dépositaire de la justice, le défenseur des droits, le vengeur des lois de la Divinité. D'un autre côté le Fils, tout resplendissant de la merci divine, sert de médiateur entre la Divinité offensée et l'humanité coupable, expose son front humble à l'orage, et son cœur compatissant au glaive de la justice divine, supporte tout le fardeau de notre châtiment, et achète de son sang toutes les grâces qui descendent du ciel. Avons-nous besoin de faire ressortir les résultats de pareilles représentations, particulièrement sur les esprits ordinaires auxquels le christianisme a principalement été destiné, et qu'il cherche à ramener au Père, comme à l'être le plus digne d'amour? Nous sommes persuadés que le culte d'un Dieu saignant et souffrant tend singulièrement à absorber l'esprit, et à le détourner d'autres objets, précisément comme la tendresse humaine de la vierge Marie lui a fait occuper une place si considérable dans les dévotions de l'église romaine. Nous sommes aussi convaincus que ce culte, quelque attractif qu'il soit, n'est pas du tout propre à spiritualiser l'homme, qu'il pousse à l'extase, plutôt qu'il ne tend à inspirer ce respect profond pour les perfections morales de Dieu, qui constitue l'essence de la piété.

     

     

     
     Table des matières. 

     

     

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    Suite : Christianisme unitarien : principe ; Nature de Jésus Christ

     

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  •       W.-E. CHANNING

    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN. (partie 2)

    DISCOURS PRONONCÉ LORS DE L'ORDINATION DU RÉV. JARED SPARKS, BALTIMORE. 1819.

     

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    II. POINTS DE DOCTRINE.

    Après avoir ainsi déterminé les principes suivant lesquels nous interprétons l'Écriture, je vais passer à la deuxième grande division de ce discours, dans laquelle je dois exposer quelques-uns des points que nous faisons découler de ce livre sacré, particulièrement ceux qui nous distinguent des autres chrétiens.

    2 Nature de Jésus Christ.

    Après avoir ainsi exposé nos vues sur l'unité de Dieu, j'arrive en second lieu à faire observer que nous croyons en l'unité de Jésus-Christ. Par là nous entendons que Jésus est un esprit, une âme, un être tout comme nous, et qu'il est distinct de Dieu comme nous. Nous reprochons à la doctrine de la Trinité que, non contente de faire de Dieu trois êtres, elle en fait deux de Jésus-Christ, et qu'elle apporte ainsi une confusion sans bornes dans notre manière de concevoir son caractère. Cette altération du christianisme, en même temps qu'elle répugne au sens commun et à l'esprit général de l'Écriture, est une preuve remarquable de l'influence d'une fausse philosophie qui a défiguré ce qu'il y avait de simplement vrai en Jésus.

    D'après cette doctrine, Jésus-Christ, au lieu d'être un esprit, un principe intelligent doué de conscience, ce que nous pouvons comprendre, se compose de deux âmes, de deux esprits, l'un divin, l'autre humain, l'un faible, l'autre tout-puissant, l'un ignorant, l'autre omniscient. Or nous soutenons que c'est là faire du Christ deux êtres. L'appeler une personne, un être, et cependant le supposer composé de deux esprits, infiniment différents l'un de l'autre, c'est abuser du langage, c'est y engendrer la confusion, c'est répandre de l'obscurité sur toute notre manière de concevoir des natures intelligentes. D'après la doctrine ordinaire, chacun de ces deux esprits dans le Christ a sa conscience propre, sa volonté propre, ses perceptions propres. En réalité ils n'ont pas de propriétés communes. L'esprit divin ne ressent aucun des besoins, aucune des peines de l'esprit humain, et celui-ci de son côté est à une distance infinie de la perfection et du bonheur de l'esprit divin. Peut-on concevoir dans l'univers deux êtres plus distincts? Nous avons toujours pensé que ce qui constituait et ce qui distinguait une personne, c'était l'unité de conscience. Poser en dogme qu'une seule et même personne peut avoir deux consciences, deux volontés, deux âmes, infiniment différentes l'une de l'autre, c'est à notre avis, vouloir en imposer par trop à la crédulité humaine.

    Nous prétendons que si une doctrine aussi étrange, aussi remplie de difficultés, aussi éloignée de toutes les idées antérieures des hommes, forme en effet une partie et une partie essentielle de la révélation, elle doit être enseignée avec une grande précision. Nous le demandons à nos frères, qu'ils nous montrent donc quelques passages clairs, formels, où il soit dit que le Christ se compose de deux esprits infiniment différents, et constituant cependant une seule personne. Pour notre part nous n'en trouvons aucun. Plusieurs chrétiens, à la vérité, soutiennent que cette doctrine est nécessaire à l'harmonie de l'Écriture, que certains textes attribuent à Jésus-Christ des propriétés humaines, d'autres des propriétés divines, et que pour les concilier nous devons supposer deux esprits auxquels ces propriétés puissent être appliquées. En d'autres termes, dans le but de concilier quelques passages difficiles, qu'une critique saine peut en grande partie, sinon entièrement, expliquer, nous devons imaginer une hypothèse présentant mille fois plus de difficultés et impliquant une grossière absurdité. Nous devons ainsi chercher notre chemin dans un labyrinthe au moyen d'un point de repère qui nous entraîne dans des défilés encore bien plus inextricables.

    Évidemment, si Jésus-Christ avait eu le sentiment de sa dualité d'esprit, et s'il avait su que cette dualité devait former un des traits constitutifs de sa religion, la manière dont il aurait parlé de lui-même aurait dû se ressentir de cette particularité. Le langage universel de l'homme repose sur cette idée qu'une personne est une personne, qu'elle est un seul esprit, une seule âme ; et lorsque la multitude a entendu ce même langage sortir de la bouche de Jésus, elle a dû la prendre dans son sens usuel, et elle a dû rapporter à une seule âme tout ce qu'il disait, à moins d'avoir été expressément avertie d'interpréter les choses d'une manière différente. Mais où donc trouvons-nous semblable avertissement? Avez-vous jamais rencontré dans le Nouveau Testament ces expressions qui abondent dans les livres des partisans de la Trinité, et qui découlent nécessairement de la doctrine des deux natures en Jésus? Dans quel endroit ce divin maître a-t-il jamais dit : «Ici je parle comme Dieu, et ici comme homme; ceci est seulement vrai par rapport à mon esprit humain, et ceci, seulement par rapport à mon esprit divin?» Trouvons-nous dans les Epîtres la moindre trace de cet étrange langage? Nulle part. On n'en avait pas besoin à cette époque. Ce sont les erreurs des Ages postérieurs qui y ont donné lieu.

    Nous croyons donc que le Christ est un seul esprit, un seul être, et j'ajouterai, un être distinct du Dieu un. Que le Christ n'est pas le Dieu un, ni le même être que le Père, c'est la conséquence nécessaire de notre premier paragraphe, dans lequel nous avons vu que la doctrine de trois personnes en Dieu est une fiction. Mais sur un sujet aussi important, je voudrais encore ajouter quelques remarques. Nous désirons que ceux dont nous différons veuillent bien peser le fait frappant que voici. Jésus, dans sa prédication, parle continuellement de Dieu. Ce mot est toujours dans sa bouche. Or, nous le demandons, par ce mot entend-il parler toujours de lui-même? Nous disons, non, jamais. Au contraire, il distingue fort clairement Dieu de lui-même, et ses disciples en font autant. Comment concilier ce fait avec l'idée que la manifestation du Christ, comme Dieu, est l'objet principal du Christianisme, c'est à nos adversaires à nous l'expliquer.

    Si nous examinons les passages dans lesquels Jésus est distingué de Dieu, nous y verrons que non seulement on y fait mention de lui comme d'un autre être, mais qu'on semble s'efforcer de marquer son infériorité. On y parle continuellement de lui comme du fils de Dieu, envoyé par Dieu, recevant tous ses pouvoirs de Dieu, opérant des miracles parce que Dieu était avec lui, jugeant équitablement parce que Dieu l'avait instruit, ayant des droits à notre croyance parce qu'il avait été consacré par Dieu et marqué de son sceau, et n'étant capable de rien opérer par lui-même. Le Nouveau Testament est rempli de semblables expressions. Nous le demandons, quelle impression ce langage était-il propre et destiné à faire? Quiconque l'a entendu, a-t-il pu s'imaginer que Jésus était le vrai Dieu, dont on avait soin de le déclarer si nettement l'inférieur; qu'il était l'Être véritable par qui il avait été envoyé et de qui lui-même affirmait avoir reçu mission et pouvoir? Rappelons encore ici que la naissance humaine, la forme corporelle, l'humble condition et les souffrances mortelles de Jésus, tout cela doit avoir disposé les hommes à interpréter de la manière la plus simple les expressions par lesquelles son infériorité à Dieu est avouée. Pourquoi donc aurait-il été fait emploi si constamment et sans restriction d'un pareil langage, si Jésus était la divinité suprême, et si cette vérité formait une partie essentielle de sa religion? Je le répète, la condition humaine et les souffrances du Christ tendaient fortement à repousser de l'esprit de l'homme l'idée de sa propre divinité ; et, par suite, nous devrions nous attendre à rencontrer dans le Nouveau Testament un soin et des efforts continuels pour contrarier cette tendance et pour le proclamer comme étant le même être que le Père, si cette prétendue doctrine était en effet l'âme et le point culminant de sa religion. Nous devrions nous attendre à trouver le langage de l'Écriture jeté dans le moule de cette doctrine, de manière à nous rendre familière cette idée que Dieu est le Fils, que Dieu est Jésus, que pour nous il n'y a qu'un seul Dieu, Jésus lui-même. Mais bien loin de là, l'infériorité du Christ remplit en quelque sorte le Nouveau Testament. Non seulement elle résulte du caractère général de ce livre; mais elle est souvent et formellement exprimée, et cela, sans que jamais nous soyons avertis de ne pas l'appliquer à la nature entière de Jésus. Est-il donc possible que le but principal des écrivains sacrés ait été d'ériger Jésus en Dieu suprême ?

    Je n'ignore pas que ces remarques sont en opposition avec deux ou trois textes dans lesquels le Christ est appelé Dieu, et avec quelques passages, peu nombreux à la vérité, dans lesquels les propriétés divines lui sont attribuées. A tout cela nous avons une réponse péremptoire. Nous disons: l'un des principes les mieux établis et les plus évidents, en fait de critique, c'est qu'il faut interpréter les expressions du langage d'après les propriétés connues du sujet auquel elles s'appliquent. Tout le monde sait que les mêmes mots comportent des idées très différentes selon qu'ils concernent des êtres différents. Ainsi Salomon a bâti le temple d'une manière bien différente de l'architecte qu'il a employé; et Dieu se repent bien différemment de l'homme. Nous soutenons maintenant que les propriétés connues du Christ et les circonstances de sa vie, sa naissance, ses souffrances, sa mort, sa constante habitude de parler de Dieu comme d'un être distinct de lui-même, sa prière à Dieu, sa coutume d'attribuer à Dieu tous ses pouvoirs et tous ses mérites, toutes ces particularités constatées du Christ, nous obligent à interpréter les passages, comparativement peu nombreux, qui sont regardés comme établissant sa divinité suprême, de manière à s'accorder avec sa nature distincte et inférieure. Il est de notre devoir d'expliquer de pareils textes au moyen de la règle que nous appliquons a d'autres livres, où des êtres humains sont appelés dieux, sont dits participer à la nature divine, connaître et posséder toutes choses, en un mot, être remplis de la plénitude divine. Ces derniers passages, nous n'hésitons pas à les modifier, à y apporter des restrictions, à les détourner de leur sens le plus manifeste, parce que ce sens est en contradiction avec les propriétés connues des êtres auxquels ils se rapportent. Hé bien ! nous faisons acte d'adhésion au même principe et nous n'usons pas d'une plus grande latitude, en expliquant, ainsi que nous le faisons, les passages qui semblent consacrer la divinité du Christ.

    Les partisans de la Trinité prétendent tirer d'importants avantages de leur manière d'envisager le Christ. Cela leur fournit, disent-ils, la preuve d'une expiation infinie, parce que cela leur montre un être infini souffrant pour leurs péchés. La confiance avec laquelle ils répètent ce sophisme nous surprend. Si on les presse un peu et qu'on leur demande s'ils croient réellement que le Dieu infini et immuable a souffert et est mort sur la croix, ils reconnaissent que cela n'est pas vrai, mais que la nature humaine du Christ seule a enduré les souffrances de la mort. Comment donc avons-nous une victime expiatoire infinie? Ce langage paraît imaginé pour en imposer aux esprits ordinaires ; il est tout à fait contraire à la justice de Dieu, et ferait croire que cette justice peut être satisfaite par un sophisme et une fiction.

    On nous dit aussi : le Christ est bien plus intéressant, son amour et sa miséricorde sont bien plus sensibles, si on l'envisage comme le Dieu suprême, qui a fait abandon de sa gloire pour devenir homme et souffrir pour l'humanité. Que les partisans de la Trinité soient plus fortement émus par ce spectacle, nous ne prétendons pas le nier ; mais nous pensons que leurs sentiments sont entièrement basés sur une fausse appréciation de leurs propres doctrines. Ils parlent de la seconde personne de la Trinité comme dépouillant sa gloire et quittant le sein de son Père, pour visiter et pour sauver le monde. Mais cette seconde personne, Dieu immuable et infini, était évidemment incapable au plus haut degré de faire abandon de sa perfection et de sa félicité. Au moment même où il prenait une forme charnelle, le Fils était aussi intimement uni à son Père qu'auparavant, et il remplissait, comme son Père, le ciel, la terre et l'immensité. Les partisans de la Trinité reconnaissent ce point, et cependant ils affirment être touchés et domptés par l'humiliation surprenante de cet être immuable. Mais leur doctrine, si on se donne la peine de l'approfondir, réduit l'humiliation du Christ à une fiction, et efface presque entièrement les impressions que sa croix est destinée à produire. A ce point de vue, le Christ n'a, pour ainsi dire, pas souffert du tout. Sa nature humaine a souffert, il est vrai ; mais cette nature, comme on l'affirme, n'est qu'une partie infiniment petite de Jésus, elle ne supporte pas plus de comparaison avec sa nature entière, qu'un seul cheveu de notre tête avec tout notre corps, ou qu'une goutte d'eau avec l'Océan. La nature divine du Christ, qui le constituait essentiellement, était infiniment heureuse, au moment même où sa nature humaine était plongée dans la souffrance. Pendant même qu'il était attaché sur la croix, il était l'être le plus heureux de l'univers, il était aussi heureux que le Père infini ; de sorte que ses tourments, comparés à sa félicité, ne sont rien. Les partisans de la Trinité reconnaissent cela et doivent le reconnaître. C'est la conséquence nécessaire de l'immuabilité de la nature divine, qu'ils attribuent au Christ. Leur système, envisagé sainement, ôte donc à la mort de Jésus tout son intérêt, il affaiblit nos sympathies pour ses souffrances, et plus que tout autre, il est défavorable à l'amour pour le Christ, qui est précisément basé, en un sens, sur son dévouement envers l'humanité. Nous estimons que notre manière de voir est bien plus dramatique. Nous croyons en effet que l'humiliation du Christ a été réelle et complète, que le Sauveur tout entier a souffert, et non seulement une partie de lui, que son crucifiement a été une scène d'agonie profonde et pleine d'amertume. Lorsque nous nous plaçons, autour de sa croix, nos esprits ne sont pas distraits, notre sensibilité n'est pas amortie, par cette idée qu'il est composé de natures inconciliables et infiniment différentes l'une de l'autre, et qu'il jouit, en compensation de sa passion, d'une félicité infinie. Nous ne reconnaissons dans Jésus mourant qu'une seule nature. Cette conception, à notre avis, rend ses souffrances, sa résignation et son amour, incomparablement plus émouvants et plus attachants que le système opposé.

     

     
     Table des matières. 

     

     

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  •       W.-E. CHANNING

    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN. (partie 2)

    DISCOURS PRONONCÉ LORS DE L'ORDINATION DU RÉV. JARED SPARKS, BALTIMORE. 1819.

     .

     

    II. POINTS DE DOCTRINE.

    Après avoir ainsi déterminé les principes suivant lesquels nous interprétons l'Écriture, je vais passer à la deuxième grande division de ce discours, dans laquelle je dois exposer quelques-uns des points que nous faisons découler de ce livre sacré, particulièrement ceux qui nous distinguent des autres chrétiens.

    4. Mission de Jésus Christ.

    J'ai parlé d'abord de l'unité de Dieu, puis de l'unité de Jésus et de son infériorité à Dieu, enfin des perfections du caractère divin ; maintenant je vais chercher à exposer nos vues sur la médiation du Christ et sur le but de sa mission. Relativement à ce grand dessein que Jésus est venu accomplir, il semble qu'il ne soit pas possible de se méprendre. Nous croyons qu'il fut envoyé par le Père pour effectuer la délivrance morale ou spirituelle de l'humanité ; c'est-à-dire, pour délivrer l'homme du péché et de ses conséquences et pour l'amener a un état de pureté et de bonheur éternels. Nous croyons aussi qu'il a accompli cette sublime mission par des moyens variés : par des instructions sur l'unité, le caractère paternel et le gouvernement moral de Dieu, admirablement propres à rappeler le monde de l'idolâtrie et de l'impiété à la connaissance, a l'amour et à l'obéissance envers le Créateur ; par des promesses de pardon a ceux qui se repentent, et d'assistance divine à ceux qui s'efforcent de progresser vers l'élévation morale ; par le jour qu'il a répandu sur le sentier du devoir ; par son propre exemple sans tâche, dans lequel l'amabilité et la sublimité de la vertu se manifestent avec tant d'éclat qu'on se sent non seulement amené à la perfection, mais encore plein d'ardeur et de zèle pour elle ; par ses menaces contre les coupables incorrigibles; par ses glorieuses perspectives sur l'immortalité ; par ses souffrances et sa mort ; par sa résurrection, cet événement signalé, qui servit de témoignage a sa divine mission, et mit la vie future à la portée des sens de l'homme ; par son intercession continuelle qui nous fait obtenir une assistance et des grâces spirituelles ; et par le pouvoir dont il est investi de ressusciter les morts, de juger le monde et de conférer les récompenses éternelles promises aux fidèles.

    Nous n'avons pas l'intention de cacher, qu'il existe parmi nous une divergence d'opinion sur un point important de la médiation du Christ, je veux parler de l'influence précise de sa mort sur notre pardon. Plusieurs supposent que cet événement contribue à notre pardon, en ce sens qu'il a été un des principaux moyens de confirmer la religion et de lui donner une action sur l'esprit ; en d'autres termes, qu'il procure le pardon, en nous amenant à cet état de repentir et de vertu, qui est la grande et la seule condition, à laquelle le pardon soit accordé. Certains autres ne sont pas satisfaits de cette explication et pensent que l'Écriture assigne la rémission des péchés à la mort du Christ, avec une telle précision, que nous devons considérer cet événement comme exerçant une influence spéciale sur la suppression du châtiment, bien que l'Écriture ne révèle pas la manière dont il contribue à cette fin.

    Tandis que nous différons d'opinion au sujet du rapport qui existe entre la mort du Christ et le pardon de l'humanité, rapport dont nous reconnaissons tous l'existence avec gratitude, nous sommes cependant d'accord pour rejeter plusieurs des sentiments qui prévalent relativement à la médiation de Jésus. L'idée suggérée au commun des esprits par le système populaire, est que la mort du Christ opère en apaisant Dieu ou en le rendant miséricordieux, en éveillant sa tendresse envers les hommes ; nous repoussons cette idée et nous la désapprouvons de toute notre force. Nous sommes heureux de voir que cette manière de penser vraiment peu honorable, est désavouée par les chrétiens intelligents qui pensent autrement que nous. Nous nous rappelons cependant qu'il n'y a pas longtemps, il était fort ordinaire d'entendre parler du Christ, comme étant mort pour apaiser la colère de Dieu, et pour payer à son inflexible justice la dette des pécheurs ; et nous avons la ferme persuasion que le langage des livres religieux populaires et la façon habituelle de présenter la doctrine de la médiation du Christ, donnent encore naissance à des notions vraiment dégradantes du caractère de Dieu. On communique aux masses l'impression que la mort de Jésus produit un changement dans l'esprit de Dieu à l'égard de l'homme, et que son efficacité consiste précisément en cela. Il n'y a pas à notre avis d'erreur plus pernicieuse. Nous ne pouvons souffrir aucune ombre sur la bonté pure de Dieu. Nous soutenons que Jésus, au lieu de faire naître, à quelque degré que ce soit, la miséricorde du Père, a été envoyé, en vertu de cette miséricorde, pour être notre sauveur ; qu'il n'est rien pour la race humaine que ce qu'il est par l'ordre de Dieu ; qu'il ne communique rien, que ce que Dieu lui donne le pouvoir d'accorder ; que notre Père dans le ciel est spontanément, essentiellement et éternellement miséricordieux et disposé à pardonner ; et que son amour qui ne vit pas d'emprunt, qui ne dérive que de lui, qui n'est pas susceptible de changement, est la véritable source de ce qui coule vers nous par l'intermédiaire de son fils. Nous pensons que c'est déshonorer Jésus et non le glorifier, que de lui attribuer une influence qui obscurcit la splendeur de la bienveillance divine.

    Nous sommes également d'accord pour rejeter, comme absurde et contraire à l'Écriture, l'explication donnée par le système populaire sur l'efficacité de la mort du Christ pour le pardon des hommes. On a coutume, dans ce système, d'enseigner comme principe fondamental, que l'homme, ayant péché contre un être infini, a commis une faute infinie et se trouve par conséquent exposé à une pénalité infinie. Nous croyons cependant que ce raisonnement, si l'on peut lui donner ce nom, qui dédaigne l'évidence de la maxime que la faute d'un être doit être proportionnée à sa nature et à ses facultés, est tombé en discrédit. Mais le même système enseigne encore que le péché, de quelque degré qu'il soit, réclame une punition éternelle, et que la race humaine tout entière, infailliblement enveloppée dans le péché, par sa nature même, est en quelque sorte débitrice de ce redoutable châtiment envers la justice de son créateur. Il nous apprend que ce châtiment ne peut être racheté d'une manière compatible avec le respect de la loi divine, que si l'on trouve quelqu'un qui se mette à la place de l'humanité pour l'endurer ou pour en supporter l'équivalent. Il nous enseigne ensuite que, d'après la nature du cas, personne ne peut être substitué à l'humanité d'une manière proportionnée à l'importance de l'œuvre, si ce n'est le Dieu infini lui-même ; et voilà pourquoi Dieu, dans sa seconde personne, a revêtu la nature humaine, afin de pouvoir payer à sa propre justice la dette du châtiment encouru par l'homme, et de pouvoir ainsi concilier le pardon avec les exigences et les menaces de sa loi. Tel est le système dominant. Cette doctrine nous semble porter en elle-même de fortes marques d'absurdité ; et nous soutenons qu'on ne doit pas en embarrasser le christianisme, à moins qu'elle ne soit pleinement et expressément consignée dans le Nouveau Testament. Nous demandons donc à nos adversaires de nous produire quelques passages clairs où elle soit contenue. Qu'on nous montre un seul texte, qui dise que Dieu a revêtu la nature humaine, afin de pouvoir donner une satisfaction infinie à sa propre justice ; un seul texte, qui nous apprenne que la faute de l'homme exige qu'un être infini se mette à sa place, que les souffrances du Christ doivent leur efficacité à ce qu'elles ont été supportées par un être infini, ou que sa nature divine donne une valeur infinie aux souffrances de sa nature humaine. On ne trouvera pas un mot de ce genre dans l'Écriture, pas un texte qui insinue seulement ces étranges doctrines. Ce ne sont, a notre avis, que des fictions de théologiens. Le christianisme n'en est aucunement responsable. Nous sommes étonnés de ce qu'elles puissent prévaloir. N'est-il pas clair, que Dieu ne peut souffrir en aucune manière, ni supporter un châtiment à la place de ses créatures. Combien n'est-elle pas déshonorante pour lui la supposition que sa justice est tantôt si sévère, qu'elle exige un châtiment infini pour les péchés des chétifs et faibles humains, et tantôt si facile et si accommodante, qu'elle accepte les souffrances limitées de la nature humaine du Christ comme le parfait équivalent du malheur éternel encouru par le monde? Combien n'est-il pas évident que, d'après cette doctrine, Dieu, au lieu d'être riche en pardon, ne pardonne jamais ; car il semble absurde de dire que les hommes sont pardonnés, quand leur châtiment tout entier, ou l'équivalent, est supporté par un remplaçant? Il serait difficile, selon nous, d'imaginer une thèse plus propre à obscurcir l'éclat du christianisme et la miséricorde de Dieu, ou moins faite pour consoler un esprit coupable et troublé.

    Nous croyons encore que ce système est défavorable au caractère. Il amène naturellement les hommes à penser que le Christ est venu pour changer l'esprit de Dieu plutôt que le leur ; que l'objet le plus élevé de sa mission a été de détourner le châtiment des mortels, plutôt que de leur communiquer la sainteté ; et qu'une grande partie de la religion consiste à dépriser les bonnes œuvres et la vertu humaine, dans le but de renforcer la valeur des souffrances subrogées du Christ. De cette manière on affaiblit le sentiment de l'importance infinie et de la nécessité indispensable de l'amélioration personnelle, et les éloges retentissants de la croix du Christ semblent être substitués à l'obéissance à ses préceptes. Quant à nous, ce n'est pas ainsi que nous avons prêché Jésus. Bien que, pleins de gratitude, nous reconnaissions qu'il est venu pour nous délivrer du châtiment, nous croyons qu'il a été chargé d'une mission plus noble encore, savoir, celle de nous délivrer du péché lui-même et de nous préparer à une vertu sublime et céleste. Nous le regardons comme un Sauveur, principalement parce qu'il est la lumière, le médecin, le guide de l'âme plongée dans les ténèbres, accablée par le mal, tourmentée par l'égarement. Il n'est pas d'influence dans l'univers, qui nous paraisse plus glorieuse que celle qui s'exerce sur le caractère ; et il n'y a pas de rédemption plus digne de reconnaissance que la restauration de la pureté dans l'âme. Sans cela, le pardon, fût-il possible, serait de peu de valeur. Pourquoi arracher le pécheur à l'enfer, si on laisse l'enfer brûler dans son propre sein? Pourquoi l'élever au ciel, s'il reste étranger, à la sainteté et à l'amour qui y règnent ? Sous ces impressions nous sommes habitués à estimer principalement l'Évangile, parce qu'il abonde en secours, en motifs, en encouragements effectifs pour une vertu généreuse et divine. A cette vertu, comme à un centre commun, nous voyons aboutir tous ses enseignements, ses préceptes, ses promesses ; et nous croyons que la foi dans cette religion n'est d'aucune valeur et ne contribue en rien au salut, si elle ne se sert en même temps de ces enseignements, rie ces préceptes, de ces promesses et de la vie tout entière de Jésus, de son caractère, de ses souffrances et de ses triomphes, comme de moyens pour purifier l'esprit et l'exciter à s'approcher de la céleste élévation fin maître.


     Table des matières. 

     

     

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    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

     

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN. (partie 2)

    DISCOURS PRONONCÉ LORS DE L'ORDINATION DU RÉV. JARED SPARKS, BALTIMORE. 1819.

     

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    II. POINTS DE DOCTRINE.

    Après avoir ainsi déterminé les principes suivant lesquels nous interprétons l'Écriture, je vais passer à la deuxième grande division de ce discours, dans laquelle je dois exposer quelques-uns des points que nous faisons découler de ce livre sacré, particulièrement ceux qui nous distinguent des autres chrétiens.

    3 Perfection morale de Dieu.

    J'ai formulé nos croyances sur deux grands points, savoir qu'il n'y a qu'un seul Dieu, et que Jésus-Christ est un être distinct de Dieu et inférieur à lui. Je vais maintenant passer à un autre point, auquel nous attachons encore plus de valeur. Nous croyons à la perfection morale de. Dieu. Nous pensons qu'il n'y a pas de partie de la théologie aussi importante que celle qui traite du caractère moral de Dieu ; et nous estimons fort haut nos vues sur le christianisme, précisément parce qu'elles proclament les attributs aimables et vénérables de Dieu.

    On nous dira peut-être, que tous les chrétiens sont d'accord à ce sujet, que tous attribuent à l'être suprême une justice, une bonté, une sainteté infinies. Nous répondrons que l'on peut parler magnifiquement de Dieu, et penser bassement à son égard ; appliquer à sa personne des épithètes sonores et prêter à son gouvernement providentiel des principes qui le rendent odieux. Les païens appelaient Jupiter très grand et excellent ; mais son histoire n'en était pas moins obscurcie par la cruauté et la concupiscence. Nous ne pouvons pas juger des véritables idées des hommes sur Dieu par leur langage général, car à toutes les époques on a espéré apaiser la Divinité par l'adulation. Nous devons rechercher quelles ont été leurs vues particulières sur ses desseins, sur les principes de son gouvernement, et sur ses dispositions envers ses créatures.

    Nous constatons alors que les chrétiens ont généralement penché vers une manière de voir fort injurieuse pour l'Être suprême. Ils n'ont que trop souvent regardé Dieu, comme placé, par sa grandeur et sa souveraineté, au-dessus des principes de moralité, au-dessus de ces lois éternelles d'équité et de droiture, auxquelles tous les autres êtres sont soumis. Quant à nous, nous croyons qu'il n'y a pas d'être en qui le sentiment du droit soit plus énergique, plus puissant qu'en Dieu. Nous croyons que son pouvoir souverain est entièrement subordonné à se sentiments de justice ; et c'est là la base de notre piété. Ce n'est pas simplement parce qu'il est notre créateur, mais parce qu'il nous a créés pour une bonne et sainte destinée ; ce n'est pas parce que sa volonté est irrésistible, mais parce que sa volonté est la perfection de la vertu, que nous lui rendons hommage. Nous ne pouvons courber la tête devant un être, quelque grand et puissant qu'il soit, qui nous gouverne en tyran. Nous ne respectons rien que ce qui est excellent, soit sur la terre, soit dans le ciel. C'est non pas la majesté du trône de Dieu que nous avons en vénération, mais l'équité et la bonté qui lui servent de base.

    Nous croyons que Dieu est infiniment bon, obligeant, bienveillant, dans le propre sens de ces mots ; bon dans ses dispositions comme dans ses actes ; bon, non pas un peu, mais tout à fait ; bon pour chaque individu aussi bien que pour l'univers.

    Nous croyons aussi que Dieu est juste ; mais nous n'oublions jamais que sa justice est celle d'un être bon, qu'elle habite dans un même esprit et agit en harmonie avec la plus parfaite bienveillance. Par cet attribut divin, nous entendons cette considération infinie pour la vertu ou la valeur morale, qui s'exprime dans une direction particulière de la volonté, c'est-à-dire, en donnant des lois excellentes et équitables, et en accordant les récompenses ou en infligeant les châtiments les mieux appropriés à leur sanction. La justice de Dieu a pour but la plus haute vertu de la créature, elle ne punit que dans ce seul but, et c'est pourquoi elle est en accord avec la bienveillance ; car la vertu et le bonheur, quoique distincts, sont liés, d'une manière indissoluble.

    La justice de Dieu, ainsi envisagée, nous paraît en parfaite harmonie avec sa miséricorde. D'après les systèmes de théologie prédominants aujourd'hui, ces attributs sont tellement en désaccord et en contradiction, que les concilier doit être la tâche la plus rude, et l'exploit le plus étonnant de la sagesse infinie. Pour nous, ce sont comme des amis intimes, toujours en paix, imbus du même esprit, et cherchant le même but. Par la miséricorde de Dieu, nous n'entendons pas une compassion aveugle et instinctive, qui pardonne sans réfléchir et sans s'inquiéter des intérêts de la vertu. Une pareille miséricorde, nous le reconnaissons, serait incompatible avec la justice et par conséquent aussi avec une bienveillance éclairée. La miséricorde de Dieu, telle que nous la comprenons, désire vivement la félicité des coupables, mais seulement a condition qu'ils passent par le repentir. Elle a égard au caractère des individus aussi bien que sa justice. Elle diffère la punition et attend patiemment que le pécheur puisse rentrer dans le devoir, mais elle abandonne le coupable impénitent et endurci au châtiment terrible dont la parole de Dieu renferme la menace.

    Pour exprimer en un mot notre manière d'envisager Dieu, nous croyons en son caractère paternel. Nous lui attribuons, non seulement le nom, mais les dispositions et les règles de conduite d'un père. Nous croyons qu'il porte à ses créatures l'intérêt d'un père, qu'il désire comme un père leur amélioration, qu'avec l'équité d'un père il sait proportionner ses commandements à leurs aptitudes, qu'il se réjouit comme un père de leurs progrès, qu'il est prêt comme un père à accueillir celui qui se repent, et qu'il exerce la justice d'un père à l'égard de celui qui est incorrigible. Nous regardons ce monde comme un lieu d'éducation, dans lequel il forme l'homme par la prospérité et l'adversité, par les secours et les obstacles, par les conflits de la raison et de la passion, par les motifs du devoir et les tentations du péché, par une discipline variée et appropriée à des êtres libres et moraux, pour le faire entrer en union avec lui-même et pour le faire parvenir dans le ciel au plus haut degré de vertu.

    Ce que nous reprochons aux systèmes de religion qui prévalent parmi nous, c'est qu'ils sont plus ou moins contraires à cette conception de Dieu si purifiante, si consolante et si digne ; c'est qu'ils nous enlèvent notre Père qui est au ciel, pour lui substituer un être que nous ne pouvons aimer quand même nous le voudrions, et que nous ne devons pas aimer quand même nous le pourrions. C'est particulièrement pour ce motif que nous sommes opposés à ce système qui s'arroge le titre d'orthodoxe, et que l'on propage maintenant avec tant d'adresse dans notre pays. Ce système en effet sait prendre diverses formes, mais de toute façon il déshonore le créateur. Sous sa forme ancienne et primitive, il nous enseigne que Dieu nous fait entrer dans la vie entièrement dépravés, de sorte que sous les traits innocents de notre enfance se cache une nature contraire à tout ce qui est bien et portée à tout ce qui est mal, une nature qui nous expose à la disgrâce et à la colère de Dieu, même avant que nous ayons acquis le pouvoir de comprendre nos devoirs, ou de réfléchir sur nos actions. Sous une forme plus moderne, il nous enseigne que tout homme est sorti des mains de son créateur avec une organisation telle, et qu'il est soumis à des influences et à des conditions telles, que, dès le premier moment de son activité morale, sa dépravation complète est rendue certaine et infaillible ; il nous enseigne encore que l'offense de l'enfant, qui apporte dans la vie cette tendance continuelle au crime, non mélangée de bien, l'expose à la damnation éternelle. Or, conformément aux principes les plus simples de la moralité, nous soutenons, qu'une constitution naturelle de l'esprit qui le dispose infailliblement au mal et au mal seul, devrait l'absoudre de toute culpabilité ; que donner l'existence dans de pareilles conditions prouverait une cruauté inexprimable ; et que punir d'un châtiment éternel le péché de cet enfant si malheureusement constitué, serait une injustice qu'on ne pourrait mettre en parallèle même avec le despotisme le plus implacable.

    Ce système nous enseigne encore que Dieu choisit dans cette masse corrompue un certain nombre d'individus pour les sauver, et les arracher à la ruine commune, par une grâce spéciale ; que les autres hommes, quoique privés de cette faveur particulière que leur conversion exige, sont obligés de se repentir, sous peine de voir leur malheur encore aggravé : et que le pardon leur est promis dans des conditions, que leur organisation réelle les dispose infailliblement à rejeter et qui, s'ils les rejettent, accroissent d'une manière redoutable les peines de l'enfer. Ces offres de pardon et ces exhortations au repentir faites à des êtres nés sous l'influence d'une malédiction funeste, remplissent nos âmes d'une horreur qu'aucun mot ne peut rendre.

    Que ce système religieux ne produise pas sur le caractère les effets qu'on peut en attendre, nous l'admettons volontiers. Souvent, très souvent même, il est balancé par la nature, par la conscience, parle sens commun, par l'esprit général de l'Écriture, par les exemples salutaires et les préceptes du Christ, enfin par les témoignages nombreux et positifs de la bonté universelle et de la parfaite équité de Dieu. Nous pensons toutefois que l'on peut constater son influence malheureuse. Il tend à décourager les esprits timides, à procurer des excuses aux méchants, à nourrir la vanité des fanatiques, et à fournir un refuge aux mauvais sentiments des gens malicieux. En heurtant, comme il le fait, les principes fondamentaux de la moralité et en faisant étalage d'un Dieu sévère et partial, il tend singulièrement à pervertir les facultés morales, a constituer une religion chagrine, rebutante, servile, et il entraîne l'homme à remplacer par la médisance, l'amertume et la persécution, la tendre et impartiale charité. Nous croyons en outre que ce système qui commence par dégrader la nature humaine, peut aboutir à l'orgueil ; car l'orgueil prend sa source dans le sentiment de hautes distinctions, obtenues n'importe comment, et il n'y a pas de distinction plus grande que celle qui est établie entre les élus et les réprouvés de Dieu.

    Ces idées fausses et déshonorantes sur Dieu, que nous venons de mettre en relief, nous nous sentons l'obligation de les combattre sans cesse. Nous pouvons passer sur d'autres erreurs avec une indifférence relative. Mais nous demandons à nos adversaires de nous laisser un Dieu digne de notre amour et de notre confiance, dans le sein duquel nos sentiments moraux puissent se délecter, notre faiblesse et nos douleurs trouver un refuge. Nous tenons aux perfections divines. Nous les rencontrons partout dans la création, nous les lisons dans l'Écriture, nous en voyons une image aimable dans Jésus-Christ ; et la reconnaissance, l'amour et la vénération nous font un devoir de les affirmer. Reniés, comme nous le sommes souvent, par les hommes, c'est noire consolation et notre bonheur de voir qu'une des choses qui choquent le plus, c'est précisément le zèle avec lequel nous défendons la bonté et la rectitude méconnues de Dieu.

    4. Mission de Jésus Christ.

    J'ai parlé d'abord de l'unité de Dieu, puis de l'unité de Jésus et de son infériorité à Dieu, enfin des perfections du caractère divin; maintenant je vais chercher à exposer nos vues sur la médiation du Christ et sur le but de sa mission. Relativement à ce grand dessein que Jésus est venu accomplir, il semble qu'il ne soit pas possible de se méprendre. Nous croyons qu'il fut envoyé par le Père pour effectuer la délivrance morale ou spirituelle de l'humanité; c'est-à-dire, pour délivrer l'homme du péché et de ses conséquences et pour l'amener a un état de pureté et de bonheur éternels. Nous croyons aussi qu'il a accompli cette sublime mission par des moyens variés : par des instructions sur l'unité, le caractère paternel et le gouvernement moral de Dieu, admirablement propres à' rappeler le monde de l'idolâtrie et de l'impiété à la connaissance, a l'amour et à l'obéissance envers le Créateur; par des promesses de pardon a ceux qui se repentent, et d'assistance divine à ceux qui s'efforcent de progresser vers l'élévation morale; par le jour qu'il a répandu sur le sentier du devoir; par son propre exemple sans tâche, dans lequel l'amabilité et la sublimité de la vertu se manifestent avec tant d'éclat qu'on se sent non seulement amené à la perfection, mais encore plein d'ardeur et de zèle pour elle; par ses menaces contre les coupables incorrigibles; par ses glorieuses perspectives sur l'immortalité; par ses souffrances et sa mort ; par sa résurrection, cet événement signalé, qui servit de témoignage a sa divine mission, et mit la vie future à la portée des sens de l'homme ; par son intercession continuelle qui nous fait obtenir une assistance et des grâces spirituelles; et par le pouvoir dont il est investi de ressusciter les morts, de juger le monde et de conférer les récompenses éternelles promises aux fidèles.

    Nous n'avons pas l'intention de cacher, qu'il existe parmi nous une divergence d'opinion sur un point important de la médiation du Christ, je veux parler de l'influence précise de sa mort sur notre pardon. Plusieurs supposent que cet événement contribue à notre pardon, en ce sens qu'il a été un des principaux moyens de confirmer la religion et de lui donner une action sur l'esprit; en d'autres termes, qu'il procure le pardon, en nous amenant à cet état de repentir et de vertu, qui est la grande et la seule condition, à laquelle le pardon soit accordé. Certains autres ne sont pas satisfaits de cette explication et pensent que l'Écriture assigne la rémission des péchés à la mort du Christ, avec une telle précision, que nous devons considérer cet événement comme exerçant une influence spéciale sur la suppression du châtiment, bien que l'Écriture ne révèle pas la manière dont il contribue à cette fin.

    Tandis que nous différons d'opinion au sujet du rapport qui existe entre la mort du Christ et le pardon de l'humanité, rapport dont nous reconnaissons tous l'existence avec gratitude,, nous sommes cependant d'accord pour rejeter plusieurs des sentiments qui prévalent relativement à la médiation de Jésus. L'idée suggérée au commun des esprits par le système populaire, est que la mort du Christ opère en apaisant Dieu ou en le rendant miséricordieux, en éveillant sa tendresse envers les hommes ; nous repoussons cette idée et nous la désapprouvons de toute notre force. Nous sommes heureux de voir que cette manière de penser vraiment peu honorable, est désavouée par les chrétiens intelligents qui pensent autrement que nous. Nous nous rappelons cependant qu'il n'y a pas longtemps, il était fort ordinaire d'entendre parler du Christ, comme étant mort pour apaiser la colère de Dieu, et pour payer à son inflexible justice la dette des pécheurs; et nous avons la ferme persuasion que le langage des livres religieux populaires et la façon habituelle de présenter la doctrine de la médiation du Christ, donnent encore naissance à des notions vraiment dégradantes du caractère de Dieu. On communique aux masses l'impression que la mort de Jésus produit un changement dans l'esprit de Dieu à l'égard de l'homme, et que son efficacité consiste précisément en cela. Il n'y a pas à notre avis d'erreur plus pernicieuse. Nous ne pouvons souffrir aucune ombre sur la bonté pure de Dieu. Nous soutenons que Jésus, au lieu de faire naître, à quelque degré que ce soit, la miséricorde du Père, a été envoyé, en vertu de cette miséricorde, pour être notre sauveur ; qu'il n'est rien pour la race humaine que ce qu'il est par l'ordre de Dieu ; qu'il ne communique rien, que ce que Dieu lui donne le pouvoir d'accorder; que notre Père dans le ciel est spontanément, essentiellement et éternellement miséricordieux et disposé à pardonner; et que son amour qui ne vit pas d'emprunt, qui ne dérive que de lui, qui n'est pas susceptible de changement, est la véritable source de ce qui coule vers nous par l'intermédiaire de son fils. Nous pensons que c'est déshonorer Jésus et non le glorifier, que de lui attribuer une influence qui obscurcit la splendeur de la bienveillance divine.

    Nous sommes également d'accord pour rejeter, comme absurde et contraire à l'Écriture, l'explication donnée par le système populaire sur l'efficacité de la mort du Christ pour le pardon des hommes. On a coutume, dans ce système, d'enseigner comme principe fondamental, que l'homme, ayant .péché contre un être infini, a commis une faute infinie et se trouve par conséquent exposé à une pénalité infinie. Nous croyons cependant que ce raisonnement, si l'on peut lui donner ce nom, qui dédaigne l'évidence de la maxime que la faute d'un être doit être proportionnée a sa nature et à ses facultés, est tombé en discrédit. Mais le même système enseigne encore que le péché, de quelque degré qu'il soit, réclame une punition éternelle, et que la race humaine tout entière, infailliblement enveloppée dans le péché, par sa nature même, est en quelque sorte débitrice de ce redoutable châtiment envers la justice de son créateur. Il nous apprend que ce châtiment ne peut être racheté d'une manière compatible avec le respect de la loi divine, que si l'on trouve quelqu'un qui se mette à la place de l'humanité pour l'endurer ou pour en supporter l'équivalent. Il nous enseigne ensuite que, d'après la nature du cas, personne ne peut être substitué à l'humanité d'une manière proportionnée à l'importance de l'œuvre, si ce n'est le Dieu infini lui-même; et voilà pourquoi Dieu, dans sa seconde personne, a revêtu la nature humaine, afin de pouvoir payer à sa propre justice la dette du châtiment encouru par l'homme, et de pouvoir ainsi concilier le pardon avec les exigences et les menaces de sa loi. Tel est le système dominant. Cette doctrine nous semble porter en elle-même de fortes marques d'absurdité; et nous soutenons qu'on ne doit pas en embarrasser le christianisme, à moins qu'elle ne soit pleinement et expressément consignée dans le Nouveau Testament. Nous demandons donc à nos adversaires de nous produire quelques passages clairs où elle soit contenue. Qu'on nous montre un seul texte, qui dise que Dieu a revêtu la nature humaine, afin de pouvoir donner une satisfaction infinie à sa propre justice ; un seul texte, qui nous apprenne que la faute de l'homme exige qu'un être infini se mette à sa place, que les souffrances du Christ doivent leur efficacité à ce qu'elles ont été supportées par un être infini, ou que sa nature divine donne une valeur infinie aux souffrances de sa nature humaine. On ne trouvera pas un mot de ce genre dans l'Écriture, pas un texte qui insinue seulement ces étranges doctrines. Ce ne sont, a notre avis, que des fictions de théologiens. Le christianisme n'en est aucunement responsable. Nous sommes étonnés de ce qu'elles puissent prévaloir. N'est-il pas clair, que Dieu ne peut souffrir en aucune manière, ni supporter un châtiment à la place de ses créatures' Combien n'est-elle pas déshonorante pour lui la supposition que sa justice est tantôt si sévère, qu'elle exige un châtiment infini pour les péchés des chétifs et faibles humains, et tantôt si facile et si accommodante, qu'elle accepte les souffrances limitées de la nature humaine du Christ comme le parfait équivalent du malheur éternel encouru par le monde? Combien n'est-il pas évident que, d'après cette doctrine, Dieu, au lieu d'être riche en pardon, ne pardonne jamais ; car il semble absurde de dire que les hommes sont pardonnes, quand leur châtiment tout entier, ou l'équivalent, est supporté par un remplaçant? Il serait difficile, selon nous, d'imaginer une thèse plus propre à obscurcir l'éclat du christianisme et la miséricorde de Dieu, ou moins faite pour consoler un esprit coupable et troublé.

    Nous croyons encore que ce système est défavorable au caractère. Il amène naturellement les hommes à penser que le Christ est venu pour changer l'esprit de Dieu plutôt que le leur ; que l'objet le plus élevé de sa mission a été de détourner le châtiment des mortels, plutôt que de leur communiquer la sainteté; et qu'une grande partie de la religion consiste à dépriser les bonnes œuvres et la vertu humaine, dans le but de renforcer la valeur des souffrances subrogées du Christ. De cette manière on affaiblit le sentiment de l'importance infinie et de la nécessité indispensable de l'amélioration personnelle, et les éloges retentissants de la croix du Christ semblent être substitués à l'obéissance à ses préceptes. Quant à nous, ce n'est pas ainsi que nous avons prêché Jésus. Bien que, pleins de gratitude, nous reconnaissions qu'il est venu pour nous délivrer du châtiment, nous croyons qu'il a été chargé d'une mission plus noble encore, savoir, celle de nous délivrer du péché lui-même et de nous préparer à une vertu sublime et céleste. Nous le regardons comme un Sauveur, principalement parce qu'il est la lumière, le médecin, le guide de l'âme plongée dans les ténèbres, accablée par le mal, tourmentée par l'égarement. Il n'est pas d'influence dans l'univers, qui nous paraisse plus glorieuse que celle qui s'exerce sur le caractère ; et il n'y a pas de rédemption plus digne de reconnaissance que la restauration de la pureté dans l'âme. Sans cela, le pardon, fût-il possible, serait de peu de valeur. Pourquoi arracher le pécheur à l'enfer, si on laisse l'enfer brûler dans son propre sein? Pourquoi l'élever' au ciel, s'il reste étranger, à la sainteté et à l'amour qui y règnent ? Sous ces impressions nous sommes habitués à estimer principalement l'Évangile, parce qu'il abonde en secours, en motifs, en encouragements effectifs pour une vertu généreuse et divine. A cette vertu, comme à un centre commun, nous voyons aboutir tous ses enseignements, ses préceptes, ses promesses; et nous croyons que la foi dans cette religion n'est d'aucune valeur et ne contribue en rien au salut, si elle ne se sert en même temps de ces enseignements, rie ces préceptes, de ces promesses et de la vie tout entière de Jésus, de son caractère, de ses souffrances et de ses triomphes, comme de moyens pour purifier l'esprit et l'exciter à s'approcher de la céleste élévation fin maître.


     Table des matières. 

     

     

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    Didier Le Roux

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  •       W.-E. CHANNING

    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

    NOTICE

    SUR CHAMMING ET SES ÉCRITS.

     

    William Ellery Channing est né le 7 avril 1780, à Newport, dans cet État de Rhode-Island (États-Unis de l'Amérique du Nord), que Roger Williams, son fondateur, consacrait à la liberté religieuse en un temps (1635) où le nom même de tolérance était inconnu en Europe. Dès l'âge de 13 ans il perdit son père, avocat de mérite, et fut élevé par sa mère. Son intention fut d'abord d'apprendre la médecine, mais ensuite il s'adonna avec ardeur à la théologie. Il fit des études brillantes à l'université de Cambridge, dans l'État de Massachusetts, université où les doctrines unitaires étaient en faveur, et, en 1803, à peine âgé de 23 ans, il fut choisi comme ministre ou prédicateur par une église de Boston, qui s'appelait la Société chrétienne de la rue de la Fédération, et où dominait l’unitarisme (l'unitarianisme). On sait qu'aux États-Unis, la plupart des sectes ou communautés religieuses sont indépendantes, et que les fidèles eux-mêmes choisissent leur pasteur, qui, par parenthèse, n'est pas salarié par l'État. C'est donc à Boston, la ville calviniste par excellence, où les doctrines unitaires de Channing devaient rencontrer naturellement de l'opposition, que, pendant quarante ans, il se consacra tout entier à ses devoirs et que, malgré sa santé délicate, il s'occupa exclusivement de la propagation de ses doctrines religieuses et morales et de la pratique de la charité. Il mourut le 2 octobre 1842, âgé de 02 ans, à Bennington, dans l'État de Vermont, où il était allé faire un petit voyage.

    Les écrits de Channing peuvent se diviser en trois catégories : les uns traitent de problèmes religieux et moraux; les autres, de questions politiques et sociales ; enfin, les derniers roulent sur divers sujets, tels que la littérature, l'histoire, etc.

    Nous n'entendons pas évidemment établir par là une classification rigoureuse, car, par exemple, dans plus d'une des œuvres sociales de Channing, ainsi que dans les Essais sur Milton et sur Fénelon, on rencontre des questions morales et religieuses. Nous n'avons eu pour but que d'indiquer le caractère prédominant de chaque catégorie d'écrits, et de faciliter ainsi les recherches.

     

    1. — ÉCRITS RELIGIEUX.

    Du système d'exclusion et de dénonciation en matière religieuse (1815). L'intolérance est d'ordinaire, comme on sait, la traduction des prétentions à l'orthodoxie. L'Église presbytérienne orthodoxe, qui était l'Église dominante à Boston, ne voulait donc pas reconnaître les unitaires comme chrétiens. Channing revendique au contraire cette qualité pour eux au nom des grands principes de charité et de tolérance.

    De la manière de prêcher le Christ (1813). Il s'agit surtout, selon le ministre unitaire, d'insister sur les vérités enseignées par le Christ, et non sur les circonstances particulières de sa vie; d'élever le caractère, de s'adresser à l'intelligence et au cœur, de présenter le christianisme d'une manière rationnelle. A cet écrit on peut rattacher les suivants, parce qu'en les réunissant, il serait possible de former, pour ainsi dire, un excellent petit manuel des devoirs qui incombent aux ministres du culte : Des moyens de répandre le christianisme. Le principal de ces moyens, c'est l'exemple, c'est la moralité de ceux qui ont mission de l'enseigner. — Sur l'extension de l'éducation théologique à l'université de Cambridge (1816). L'auteur fait ressortir ce point que notre époque de lumières exige des ministres du culte éclairés, et il ajoute que des ministres éclairés sont de puissants agents du progrès. — Des exigences de notre époque quant au ministère religieux (1824). L'état actuel de la société réclame des ministres instruits, zélés, qui appuient surtout sur les preuves internes et rationnelles du christianisme et qui soient animés de l'esprit d'amélioration. On voit que ce thème est à peu près le même que le précédent. — Du ministère chrétien (1826). Le devoir des ministres du culte est d'exercer une influence salutaire sur l'intelligence, la conscience, les sentiments et la volonté morale de leurs auditeurs. — Instruction sur la manière de prêcher l'Évangile aux pauvres. Dans ce discours, l'orateur recommande de prêcher avec un esprit d'indépendance, d'après ses convictions personnelles, de respecter et d'aimer les pauvres, d'aller au-devant d'eux. — Ajoutons encore deux discours, l'un, préparé en 1839, pour l'ordination d'un ministre unitaire à Large, l'autre, prononcé en 1840, lors de l'ordination d'un autre ministre unitaire à Northampton, en Massachusetts, et un écrit intitulé : Du respect dû à tous les hommes, dans lequel l'auteur parle encore du respect pour les pauvres.

    Le christianisme unitaire (1819). C'est le discours dont nous donnons la traduction. A cet écrit se rattachent les Objections contre le christianisme unitaire (1819), où sont reproduites ces objections avec leur réfutation. C'est en quelque sorte le commentaire du précédent morceau — Le christianisme unitaire est très favorable à la piété (1826). L'auteur motive cette opinion sur ce que l’unitarisme (l'unitarianisme) professe l'unité et la spiritualité de Dieu, a une haute idée de ses perfections morales, et enfin est une religion rationnelle. —Du culte chrétien (1836). La religion est la plus haute fin de l'homme ; l’unitarisme (l'unitarianisme) est la religion la plus avancée, parce qu'il a une saine conception de l'unité et du caractère essentiellement paternel de Dieu, et qu'il s'occupe moins du culte extérieur que du culte intérieur.

    Des preuves de la religion révélée (1821). L'auteur y cherche à concilier les miracles avec la raison, et à établir que le christianisme doit son origine à des moyens surnaturels. — Dans un autre écrit, intitulé : Des preuves du christianisme, il cherche à mettre hors de doute la vérité de l'Évangile et de la révélation. — Dans un troisième : Le christianisme est une religion rationnelle, il soutient que le christianisme est fondé sur l'autorité de la raison et ne peut se mettre en opposition avec celle-ci, sans travailler à sa propre ruine. —Dans un quatrième : Le grand but du christianisme (1828), il enseigne que ce but, c'est d'imprimer de l'énergie à la volonté, d'élargir nos sentiments, de donner à l'intelligence plus de clarté et de vigueur.

    De la ressemblance avec Dieu (1828). La vraie religion consiste à nous proposer pour but essentiel de devenir de plus en plus semblables à Dieu. —Du caractère du Christ. L'auteur y appuie sur tout ce que le caractère de Jésus présente de sympathique et il ajoute que la raison de l'amour du Christ pour l'humanité, c'était sa conviction de la grandeur de l'âme humaine. — Dans un autre discours, il traite de l'Imitation du caractère du Christ, et dans deux autres, de l'Amour pour le Christ; enfin, dans un dernier, intitulé : Le philanthrope (1837), il dit que Jésus-Christ est le premier philanthrope.

    Deux discours de Channing roulent Sur le renoncement de soi-même. Il entend par là la soumission des principes inférieurs de notre nature aux principes les plus élevés, et non l'abaissement de la raison ou l'anéantissement de la volonté. Le disciple de Jésus-Christ, recueil mensuel du progrès moral et religieux, publié à Paris par M. Martin Paschoud, contient, dans son numéro de juin 1855, une traduction du premier de ces discours. La même question est aussi traitée dans l'Essai sur Fénelon, que nous citons plus loin.

    Du mal du péché. Le mal moral est le plus grand des maux, et il exerce de l'influence jusque sur la vie future. Tels sont les principaux points de ce morceau. — Dans deux discours, l'un Sur la vie future (1834), et l'autre Sur l'immortalité, Channing fait dériver l'immortalité de la nature môme de l'esprit humain et semble professer la doctrine d'un développement de l'homme au-delà de cette vie. — De la prière quotidienne. Le matin et le soir sont présentés comme les époques de la journée les plus favorables à la prière.

    De la liberté spirituelle (1830). Le but de ce discours est de montrer que la liberté intérieure ou spirituelle est le bien suprême de l'homme, et que la liberté civile et politique a peu de valeur, si elle ne découle pas de la première et ne lui imprime pas de la vigueur. L'orateur s'y occupe aussi de la religion et du gouvernement comme moyens de faire progresser la liberté spirituelle, c'est-à-dire de donner de la force et de l'élévation à l'âme. —De l'importance de la religion pour la société. La religion est l'âme de la liberté, telle est la conclusion de ce petit écrit.

    L'argument moral contre le calvinisme (1820). L'auteur y combat vigoureusement la sombre doctrine de Calvin et prouve qu'elle méconnaît les perfections divines et dégrade la nature humaine. —Dans une lettre adressée, en 1836, au Western Messenger (journal publié à Louisville, dans le Kentucky), Sur le catholicisme, a propos des prétendus progrès de cette religion dans l'ouest des États-Unis, il fait ressortir son désaccord avec les tendances progressives de notre époque et l'incompatibilité de son organisation aristocratique avec l'esprit républicain des citoyens de l'Union. — Des confessions de foi. 11 s'y prononce contre les symboles qu'il considère comme contraires à la liberté de l'esprit humain et au progrès. La thèse soutenue dans cet écrit s'adresse aussi bien au catholicisme qu'au calvinisme.

    L'Église [1841]. C'est un des derniers discours de Channing et c'est un des plus remarquables. Il y développe avec une chaleur communicative cette idée, que l'essence de la religion consiste dans l'amour de Dieu et du prochain, que la charité est la seule et véritable base de l'Église universelle.

    On peut encore ranger ici un discours prononcé, en 1840, à l'occasion de la mort du rév. Dr Follen, qui avait péri par suite de l'incendie d'un bateau à vapeur. Channing saisit cette circonstance pour parler des maux de la vie et de leur conciliation avec là Providence divine. — Il est inutile de mentionner quelques autres éloges funèbres.

    II. — ÉCRITS SOCIAUX ET POLITIQUES.

    De la Culture de soi-même, ou de l'éducation personnelle (1838). Cet excellent discours a été traduit en français et publié à Bruxelles, en 1854. Nous en avons donné une courte analyse dans l'avant-propos qui précède cette traduction. Les quatre discours suivants, qui roulent sur le même ordre d'idées, ne sont pas moins remarquables :

    De l'élévation des classes laborieuses (1840) ; — De la tempérance (1837); — Du ministère pour les pauvres (183S); — De l'obligation pour les municipalités de veiller à la santé morale de leurs membres, suivi de la Vie de J. Tuckermann (1841). — Ces cinq écrits ont été traduits en français et réunis en un volume, sous le titre à'OEuvres sociales de Channing; Paris, 1854. M. Éd. Laboulaye les a fait précéder d'un Essai sur la vie et les doctrines de Channing et d'une Introduction, qui contiennent une très bonne appréciation des travaux du ministre unitaire de Boston. M. Éd. Laboulaye peut se vanter d'avoir contribué largement à la propagation des nobles idées de Channing. Nous regardons comme un devoir de lui en témoigner publiquement ici notre gratitude.

    De l'esclavage (1838) ; — Remarques sur la question de l'esclavage (1839), lettre a Jonathan Phillips, à propos d'un discours de Clay en faveur de l'esclavage ; — Sur l'annexion du Texas, lettre à Henri Clay (1837). — Ces trois écrits ont été traduits en français et publiés à Paris, en 1855, sous le titre A'OEuvres de Channing; de l'Esclavage. M. Éd. Laboulaye les a fait précéder d'une étude très intéressante sur l'esclavage aux États-Unis. — Cette grave question a encore fait l'objet de plusieurs autres morceaux de Channing : Les abolitionnistes ; De l'émancipation (1840), à l'occasion de l'émancipation des esclaves dans les possessions anglaises des Indes occidentales ; — Le devoir des États libres (1842), à propos d'un différend avec l'Angleterre, celle-ci ayant fait mettre en liberté des esclaves qui s'étaient rendus maîtres d'un brick américain, dont ils formaient, comme on disait, une partie de la cargaison ; — un Discours prononcé à Lenox, le 1er août 1842, deux mois avant sa mort, le jour anniversaire de l’émancipation des esclaves dans les possessions anglaises des Indes occidentales. — Il est presque inutile de dire que, dans tous ces écrits, Channing se montra l'adversaire le plus ardent de l'esclavage, en s'élevant aux considérations politiques les plus hautes, et non seulement en en faisant une question de sentiment.

    Des devoirs des citoyens dans les temps d'épreuve et de danger. Ce sont des extraits de sermons prononcés, en 1812, à l'occasion d'une déclaration de guerre contre la Grande-Bretagne, et, en 1814, lorsqu'on appréhendait, à Boston, une invasion des forces anglaises. Channing y recommande le respect du gouvernement, l'obéissance aux lois, l'attachement aux institutions républicaines de l'Union, à la liberté de la presse ; il y rappelle les devoirs des citoyens envers leur patrie et envers leurs ennemis.

    Trois discours Sur la guerre, prononcés, l'un en 1816, le deuxième, en 1835, le troisième, en 1838. Il y est question des malheurs et des crimes qu'entraîne la guerre, de ses causes, de ses remèdes, de l'honneur national, etc.

    Remarques sur les associations. L'action des associations sur les individus est bienfaisante, si elles leur communiquent le pouvoir d'agir par eux-mêmes, si elles fortifient l'énergie et la liberté intellectuelles et morales. Ce que Channing redoute donc dans les associations, c'est l'abdication de l'individualité. Il passe en revue, dans cet article, certaines associations de bienfaisance, les sociétés de tempérance, les sociétés bibliques, les associations pour l'observance du sabbat ou du dimanche.

    L'Union (1829). Channing y appelle l'attention sur l'importance de l'Union nationale des États-Unis, sur les malheurs qu'entraînerait une séparation, sur la nécessité, pour maintenir l'Union, d'une administration nationale peu compliquée et impartiale, d'une magistrature judiciaire nationale digne et indépendante, etc. Il est également question, dans cet article, de la présidence et du parti fédéral.

    L'Époque actuelle (1841). Notre époque est la résultante des époques antérieures; dans tous ses mouvements cependant, elle a une tendance à l'expansion, à la diffusion, à l'universalité, tandis que l'esprit d'exclusion, de restriction, de monopole prédominait dans les âges écoulés ; cette tendance de notre époque à l'universalité se manifeste dans la science, dans la littérature, dans les beaux-arts, dans l'éducation, dans la religion, dans l'industrie. Mais, d'autre part, le grand vice de notre époque, c'est la prédominance des intérêts matériels. — M. Salvador Morhange, dans une conférence donnée au Cercle des arts, à Bruxelles, pendant l'hiver 1854-1855, a exposé les idées de Channing, contenues dans ce beau discours.

    III. — ÉCRITS DIVERS.

    Remarques sur le caractère et les écrits de John Milton (1826). Dans cet essai, Milton est envisagé comme poète, comme théologien et comme homme. Ce sujet fournit à l'auteur l'occasion d'émettre des vues élevées sur la poésie, sur le style, sur la liberté morale, sur la religion, sur les ministres du culte, etc.

    Remarques sur la vie et le caractère de Napoléon Bonaparte (1827-1828), à l'occasion de la publication de la Vie de Napoléon, par Walter Scott. Channing y passe en revue les circonstances principales de la vie de Napoléon, et il conclut en lui refusant la grandeur morale et la grandeur intellectuelle, mais en reconnaissant en lui la grandeur de l'action ou de l'activité. La Revue britannique de décembre 1835, dans un article traduit de la North american Review, a donné la traduction de quelques passages de cet essai.

    Remarques sur le caractère et les écrits de Fénelon (1829). Dans cet écrit, Channing commence par signaler le fait de la pauvreté et de la sécheresse de la littérature religieuse, notamment dans l'Église anglicane, et il en attribue la cause à l'absence de liberté de penser; puis il passe à Fénelon, qu'il regarde comme un penseur, sinon profond, du moins original, et libre, quoique catholique ; il lui reproche cependant d'avoir trop mauvaise opinion de la nature humaine ; il rend justice aux grands hommes sortis de l'Église catholique", tout en montrant peu de sympathie pour la papauté; il admire le caractère de Fénelon, approuve certaines de ses idées sur Dieu, mais combat sa doctrine du renoncement de soi-même; il termine par d'intéressantes considérations sur l'alliance de la religion et de la littérature.

    Trois écrits sur l'éducation, intitulés : Remarques sur l'éducation ; Des devoirs des enfants ; École du dimanche. Il y a là des vues saines, comme dans tout ce que Channing a écrit. Amasser des connaissances dans l'esprit des enfants, est moins important, selon lui, que d'imprimer une bonne direction à tous les éléments de leur nature.

    Remarques sur la littérature nationale. L'auteur commence par dire ce qu'il entend par littérature nationale ; puis il parle de l'importance qu'il faut y attacher. Il convient qu'elle n'a pas encore atteint un grand développement aux États-Unis, et il en recherche les causes; il examine la question de l'influence des littératures étrangères; il regarde le style comme une chose essentielle à cultiver, comme une manifestation de la puissance créatrice des écrivains ; il recherche les moyens de favoriser le développement d'une littérature nationale.

    Il y a eu plusieurs éditions des œuvres de Channing. Lui-même en a publié une, en 1836, à New York, en 2 volumes. — Une autre édition a paru à Londres, en 1854, en 2 vol. in-8"; — une autre encore, à Glascow, en 1839. —L'édition dont nous nous sommes servi est celle de Boston, 1849, en 6 vol. pet. in-8°. C'est la onzième édition complète ; elle est précédée d'une introduction très intéressante, écrite par Channing lui-même, et datée du 18 avril 1841. — En 1849, on a imprimé à Londres un volume intitulé : Beautés de Channing; c'est un recueil d'extraits de ses œuvres. — Un neveu de Channing a composé une biographie très détaillée de son oncle. Cette vie a été réimprimée à Londres en 2 vol. On a également publié sa correspondance. — Le Nouveau Dictionnaire de la conversation et la Nouvelle Biographie universelle contiennent quelques renseignements sur Channing. — Nous avons récemment inséré, dans la libre Recherche, dirigée par M. Pascal Duprat, Bruxelles, septembre 1855, un Essai sur les idées de Channing.

     Table des matières. 

     

     

    Notice. 

    Préface partie 1.

    Préface partie 2.

    Christianisme unitaire principe : L'emploi de la raion dans l'interprétation de la Bible partie1.

    Christianisme unitarien principe : point de doctrine ; Unité de Dieu partie2.

    Christianisme unitarien principe : point de doctrine ; Nature de Jésus Christ partie3.

    Christianisme unitarien principe : point de doctrine ; Perfection morale de Dieu partie4.

    Christianisme unitarien principe : point de doctrine ; Mission de Jésus Christ partie5.

    Christianisme unitarien principe : point de doctrine ; De la vertu chrétienne partie6.

     

     

    DidierLe Roux

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