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CHRISTIANISME UNITAIRE.PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITAIRE. PREFACE PARTIE2
W.-E. CHANNING
CHRISTIANISME UNITARIEN.
PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.
François Van Meenen.
PRÉFACE (partie 2)
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Qui sont donc que les Unitariens (unitaires dans le texte original) ? Quelles sont leurs doctrines? Les Unitaires ne sont pas précisément nés d'hier ; on peut leur dresser une généalogie plus ou moins authentique, les rattacher à Arius et à l'arianisme, à Lélie et Faust Socin et aux Églises sociniennes de Pologne et de Lituanie, aux Anti-trinitaires, etc. On peut citer plusieurs noms illustres parmi ceux qui ont professé les mêmes opinions qu'eux, Milton, Locke, Newton, Clarke, Priestley, Priée, J. Leclerc, etc. Mais une doctrine religieuse est-elle plus respectable, parce qu'elle compte deux ou trois mille ans de date au lieu de cinquante ans? En est-il des religions comme de ces familles, qui se croient d'une nature supérieure, parce qu'elles comptent nous ne savons combien de quartiers et qu'elles font remonter leur origine à quelqu'un de ces brigands bardés de fer du moyen âge, qui détroussaient les passants et allaient enfouir le produit de leurs rapines dans quelque donjon bien fortifié? D'ailleurs quelle est la religion qui ne se vante pas de remonter à la plus haute antiquité? On perd seulement de vue qu'il y a quelque chose de plus ancien encore, c'est la raison ; car elle est née avec notre premier père, juste le sixième jour de la création. Ne nous inquiétons donc pas trop des origines de l’unitarisme (l'unitarianisme) et recherchons avant tout quelles sont les idées qui le caractérisent aujourd'hui. Ces idées, nous les trouvons dans le discours dont nous donnons la traduction. Channing, celui qu'on a qualifié à juste titre de saint des unitaires, bien que d'autre part on ait trouvé plaisant de l'appeler un saint en robe de chambre et en pantoufles et qu'on lui préfère sans doute tous les saints du calendrier depuis St-Fiacre jusqu'à St-Patape, Channing les a exposées avec cette conviction, cette chaleur, cet amour de Dieu et des hommes qui constituent sa belle et bonne nature. Nous n'avons donc pas besoin de refaire cet exposé ici. Nous nous bornerons à dire que Channing professe l'unité de Dieu et rejette la Trinité, telle qu'elle a été formulée en dogme par le concile de Nicée ; que Jésus-Christ, pour lui, n'est pas Dieu, mais est distinct de Dieu et inférieur à lui; qu'il n'a qu'une seule nature, la nature humaine. Quant à Dieu, il proclame sa toute-puissance, mais en même temps il croit que cette toute-puissance est entièrement soumise à sa justice ; il a la plus haute idée de la bonté, de la miséricorde, en un mot de toutes les perfections morales de Dieu. Dieu pour lui est dans toute la force du mot notre père qui est au ciel. Ce point de doctrine est certainement un de ceux qui donnent aux opinions religieuses des unitaires, telles qu'elles nous sont transmises par l'âme charitable de leur apôtre, un haut caractère d'élévation et de pureté morales. Un père est juste envers ses enfants et il les aime toujours, quelles que soient leurs fautes. Ce n'est pas au moyen de l'idée de Dieu, considéré comme père des mortels, qu'on aurait pu épouvanter le monde avec l'enfer et ses grincements de dents, avec les cachots, les bûchers, et les longues traînées de sang. Il faut en convenir, Jéhovah, le Dieu juif, le Dieu national et exclusif, le Dieu vengeur, n'a malheureusement pas dépouillé complètement sa nature farouche en devenant le Dieu des chrétiens. Pour en revenir à l’unitarisme (l'unitarianisme) de Channing, nous devons ajouter que, tout en déclarant Jésus Christ inférieur à Dieu, et ne possédant qu'une seule nature, la nature humaine, il croit néanmoins à sa mission divine, à sa médiation, en ce sens que Dieu a envoyé Jésus pour effectuer la délivrance morale ou spirituelle de l'humanité. Et notons bien que néanmoins, c'est toujours par sa propre activité que l'homme doit acquérir la vertu, c'est par les œuvres qu'il doit s'attendre à être sauvé et non par la grâce. Quant au péché originel, à la rédemption, à l'éternité des peines, il ne peut en être question dans cette doctrine. Il est vrai que Channing accepte l'autorité de la Bible, admet des révélations successives, regarde celle de Jésus comme la plus parfaite, croit à l'authenticité de l'Évangile et aux miracles ; mais la révélation, pour lui, ne peut être en opposition avec la raison, et la Bible doit être interprétée au moyen des lumières de la raison.
On le voit, dans la plupart de ces points de doctrine, le plus grand accord règne entre l’unitarisme (l'unitarianisme) et la philosophie. Sur quelques-uns seulement il peut y avoir divergence. Les idées de révélations, de missions surnaturelles, de livres sacrés, de miracles, n'exercent plus aujourd'hui le même prestige que jadis. Tout homme qui a découvert et propagé dans le monde de grandes vérités et qui les a réalisées, peut à juste titre être regardé comme un révélateur, comme ayant reçu une mission divine. Et il n'est pas nécessaire pour accroître son importance de l'entourer d'une auréole factice ; le plus souvent, en voulant l'élever ainsi, on ne fait que le rabaisser, on lui enlève sa libre spontanéité, sa personnalité, pour le réduire à l'état d'instrument et de machine, obéissant à des influences extérieures et perdant ainsi tout ce qu'il y a de plus noble et de plus généreux clans la nature humaine. Quant à l'autorité des livres sacrés, tels que l'Ancien et le Nouveau Testament, peut-elle résister à ces immenses travaux de critique et d'exégèse dont ils ont été l'objet, dans plusieurs pays et notamment en Allemagne, depuis Spinoza jusqu'à Strauss ? En supposant même qu'on ait été trop loin dans cette voie, il n'en reste pas moins acquis un certain nombre de résultats généraux, que les vains efforts des partisans du surnaturel ne parviendront jamais à renverser. Tout récemment encore nous lisions un livre curieux, publié en France, en 1850, et intitulé : Mémoires d'un enfant d'ouvrier. Éludes religieuses, par D. de Saint-Maur, et là, dans un extrait du rapport à la Société de morale (Paris 20 août), nous tombions sur ces mots : «Inspirés par l'austère méthode de Descartes, ils (les Mémoires d'un enfant d'ouvrier) présentent dans leurs touchantes confidences, une analyse des évangiles, aussi digne que hardie, où, dès le début, on se sent élevé dans une région inconnue du génie de Saint-Augustin, de Luther et de Bossuet, éclairée de ce principe nouveau : Les évangiles sont des drames grecs, dont le dogme fondamental est l'unité de Dieu ; tout autre dogme est ultérieur aux drames, et ne s'y rattache que comme un développement naturel du génie grec. Cette simple thèse, développée avec art, révèle les causes des augustes grandeurs passées, l'actuel affaissement des idées religieuses, et les consolants espoirs de l'avenir chrétien.» On en conviendra, nous sommes loin de l'époque, où l'on regardait comme authentiques et sacrés tous les récits, toutes les scènes, dans lesquels on a encadré les vérités simples et sublimes enseignées par Jésus, comme si elles avaient eu besoin de cet appareil merveilleux et dramatique pour se faire accepter du monde. Enfin, quant aux miracles, si l'on entend par là des faits contraires aux lois de la nature, les progrès de la science sont venus en quelque sorte corroborer les données de la philosophie pour prouver leur inanité. Quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse, le règne des miracles a fait son temps. Nous avons bien assez des étonnants mystères de la nature et de l'esprit, sans aller encore encombrer ce vaste et merveilleux champ de nos puériles inventions. Il y a quelque chose de mille fois plus divin dans la semence qui germe et se transforme en épi, dans l'intelligence de l'enfant qui se manifeste dès sa naissance et s'épanouit tous les jours sous nos yeux, que dans le miracle des pourceaux possédés du démon, ou dans cent autres, qui, après tout, n'ont abouti qu'aux résultats les plus médiocres.
Nous le disons donc à regret, Channing n'est pas encore parvenu à s'affranchir complètement des vieilles traditions du passé. Mais au moins, et c'est là le côté vital de sa doctrine religieuse, il a hissé la voie ouverte au progrès, en proclamant le principe de la souveraineté de la raison en fait de religion comme en toute matière. Ce n'est pas lui qui voudra enchaîner à jamais l'intelligence humaine et l'emprisonner dans quelque symbole étroit, dans quelque formulaire obscur. Ce n'est pas lui qui s'imaginera qu'on élève l'homme, dans la double acception du mot, en lui apprenant à réciter les phrases incompréhensibles d'un catéchisme. Car la grande affaire pour lui c'est de fortifier l'homme dans toutes les directions, de fortifier son intelligence, de fortifier son cœur, de fortifier sa volonté et de rétablir ainsi l'équilibre de ses facultés. Sans doute on n'arrivera pas ainsi à cette unité chimérique et dangereuse, que nous voyons inscrite sur la bannière de l'orthodoxie ; mais on arrivera à ne pas arrêter le développement spontané de l'homme et de la société, on arrivera à ne pas entraver la variété des opinions et des doctrines, a ne pas vouloir étouffer la voix des dissidents par la contrainte et la violence, on arrivera enfin par la tolérance, la charité et l'amour, ce principe d'union que Dieu a mis dans le cœur de l'homme, à l'harmonie, à la religion, à l'église universelle. «En somme, comme l'a très bien dit M. Laboulaye, liberté absolue de la pensée et charité inépuisable, ce sont les deux besoins suprêmes de l'homme et du chrétien. La perfection, c'est de donner pleine carrière à notre raison et d'aimer Dieu et nos frères d'une tendresse infinie. Tel est le système complet de Channing ; système qui ne manque certes ni de simplicité ni de grandeur.»
Nous pouvons le répéter maintenant : il y a accord entre la philosophie et l’unitarisme (l'unitarianisme) de Channing. Le fait d'une religion en harmonie avec le progrès est patent. Est-ce là un fait purement accidentel, un pur fait de circonstance? Nous ne le pensons pas, parce que ce fait se justifie par les tendances mêmes de notre époque, et nous y entrevoyons un signe d'espérance pour l'avenir. «Dans l'histoire de la religion, dit M. Laboulaye, je crois l’unitarisme (l'unitarianisme) destiné à prendre une grande place, car il est le dernier terme du libre examen, et, pour dire toute ma pensée, l'avenir du protestantisme est à lui. Et, quant aux hommes (et le nombre en est grand) qui sentent le besoin d'une croyance pour fixer la pensée et pour pacifier le cœur, et que cependant effraient les difficultés du dogme, il me semble qu'il n'est pas sans intérêt pour eux de connaître un système qui entreprend de concilier la religion et la philosophie , non pas au moyen d'une mutuelle et dédaigneuse tolérance, mais en montrant que le christianisme est l'achèvement de la philosophie, et que la révélation est la perfection même de la raison. Si une pareille doctrine nous arrivait d'Allemagne, enveloppée dans de mystérieuses formules, déguisée sous des mots étranges, nous l'accueillerions avec respect, comme nous avons fait des théories de Schelling et de Hégel ; aurons-nous moins d'attention parce que Channing n'est point resté dans le domaine de l'abstraction, qu'il a parlé simplement, pratiqué ses idées, et fondé bien plus qu'une école, une Église, à laquelle appartiennent aujourd'hui les écrivains les plus influents, les esprits les plus élevés de la Nouvelle-Angleterre ? Une doctrine nouvelle, et qui émeut les deux mondes, c'est, selon moi, même quand cette doctrine est théologique, un sujet digne d'occuper quiconque ne professe pas une suprême indifférence pour toute étude sérieuse et qui force à réfléchir.»
Ajoutons que les doctrines religieuses de Channing et des unitaires ont déjà fait invasion en Europe, sans peut-être que nous nous en doutions. C'est ainsi qu'en Angleterre il existe, depuis près de quarante ans, une société unitaire, qui, en 1817, a publié une traduction du Nouveau Testament. En 1840, elle tenait ses réunions à Londres, à Saint-Swithin-Lane. Les Anglicans refusent aux membres de cette société le nom de chrétiens, ce qui ne l'empêche pas de compter des personnages politiques parmi ses adhérents. En France même, en 1831, des unitaires ont fait une profession de foi Uni Deo. En 1833, ils se sont établis à Marseille, sous la direction de W.-H. Fierness, et, en 1844, ils ont publié un curieux ouvrage sous le titre d'État religieux de la France et de l'Europe (vol. in-8°, 1850). Aujourd'hui, dit la Nouvelle Biographie universelle (t. IX, 1854), où nous puisons ces renseignements, la Société de l'alliance chrétienne universelle, dans son appel aux chrétiens de toutes les communions, professe ouvertement les opinions de Channing, quand elle dit «que tous les Credo particuliers sont devenus douteux ; que toutes les autorités humaines, soi-disant infaillibles, sont ébranlées; que toutes les prétendues orthodoxies chancellent.» Elle ajoute que «personne désormais ne rétablira telle quelle la foi catholique, apostolique et romaine ; que personne ne maintiendra l'immuable conservation de tous les dogmes de l'Église grecque, et que personne ne ressuscitera réellement la confession d'Augsbourg ou celle de La Rochelle.» Ces faits prouvent la gravité de l'œuvre de Channing, et justifient le rang qu'on lui assigne parmi les réformateurs les plus hardis.
Nous croyons donc avoir fait chose utile en cherchant à faciliter la connaissance de Channing et de ses doctrines dans notre pays. Il nous a semblé qu'il était bon pour nous de ne pas ignorer le mouvement qui s'opère dans les esprits, au point de vue religieux, aussi bien dans notre vieux continent que dans le nouveau monde. Nous nous sommes rappelé ce vers du poète latin :
Homo sum : humani nihil à me alienum puto.
Peut-être aurons-nous le malheur de déplaire à certains esprits ; mais nous répéterons alors ce que disait récemment M. Laurent, dans ses remarquables Études sur l'histoire de l'humanité, dont, par parenthèse, et pour l'honneur de la Belgique, nous désirons vivement voir paraître la continuation : « Il importe à toutes les opinions que la franchise prenne la place d'un silence qui ressemble à de l'hypocrisie ; l'Église elle-même doit repousser des adhésions qui ne sont que calcul ou faiblesse. Que toutes les convictions sincères se produisent, la victoire restera à la vérité. Mais pour cela il faut la liberté la plus complète dans la discussion. Pour moi, je dis ma pensée tout entière ; transiger avec ce que je regarde comme la vérité, par ménagement des opinions dominantes, serait plus qu'une lâcheté, ce serait un crime. Je ne puis croire, du reste, qu'il y ait danger, en Belgique, à dire librement ce que l'on pense. La liberté n'est-elle pas l'essence de nos institutions? Et, dans un pays libre, la liberté de la pensée ne serait qu'un vain mot !»
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DidierLe Roux
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