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  •       W.-E. CHANNING

    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

    PRÉFACE (partie 2)

    .

    Qui sont donc que les Unitariens (unitaires dans le texte original) ? Quelles sont leurs doctrines? Les Unitaires ne sont pas précisément nés d'hier ; on peut leur dresser une généalogie plus ou moins authentique, les rattacher à Arius et à l'arianisme, à Lélie et Faust Socin et aux Églises sociniennes de Pologne et de Lituanie, aux Anti-trinitaires, etc. On peut citer plusieurs noms illustres parmi ceux qui ont professé les mêmes opinions qu'eux, Milton, Locke, Newton, Clarke, Priestley, Priée, J. Leclerc, etc. Mais une doctrine religieuse est-elle plus respectable, parce qu'elle compte deux ou trois mille ans de date au lieu de cinquante ans? En est-il des religions comme de ces familles, qui se croient d'une nature supérieure, parce qu'elles comptent nous ne savons combien de quartiers et qu'elles font remonter leur origine à quelqu'un de ces brigands bardés de fer du moyen âge, qui détroussaient les passants et allaient enfouir le produit de leurs rapines dans quelque donjon bien fortifié? D'ailleurs quelle est la religion qui ne se vante pas de remonter à la plus haute antiquité? On perd seulement de vue qu'il y a quelque chose de plus ancien encore, c'est la raison ; car elle est née avec notre premier père, juste le sixième jour de la création. Ne nous inquiétons donc pas trop des origines de l’unitarisme (l'unitarianisme) et recherchons avant tout quelles sont les idées qui le caractérisent aujourd'hui. Ces idées, nous les trouvons dans le discours dont nous donnons la traduction. Channing, celui qu'on a qualifié à juste titre de saint des unitaires, bien que d'autre part on ait trouvé plaisant de l'appeler un saint en robe de chambre et en pantoufles et qu'on lui préfère sans doute tous les saints du calendrier depuis St-Fiacre jusqu'à St-Patape, Channing les a exposées avec cette conviction, cette chaleur, cet amour de Dieu et des hommes qui constituent sa belle et bonne nature. Nous n'avons donc pas besoin de refaire cet exposé ici. Nous nous bornerons à dire que Channing professe l'unité de Dieu et rejette la Trinité, telle qu'elle a été formulée en dogme par le concile de Nicée ; que Jésus-Christ, pour lui, n'est pas Dieu, mais est distinct de Dieu et inférieur à lui; qu'il n'a qu'une seule nature, la nature humaine. Quant à Dieu, il proclame sa toute-puissance, mais en même temps il croit que cette toute-puissance est entièrement soumise à sa justice ; il a la plus haute idée de la bonté, de la miséricorde, en un mot de toutes les perfections morales de Dieu. Dieu pour lui est dans toute la force du mot notre père qui est au ciel. Ce point de doctrine est certainement un de ceux qui donnent aux opinions religieuses des unitaires, telles qu'elles nous sont transmises par l'âme charitable de leur apôtre, un haut caractère d'élévation et de pureté morales. Un père est juste envers ses enfants et il les aime toujours, quelles que soient leurs fautes. Ce n'est pas au moyen de l'idée de Dieu, considéré comme père des mortels, qu'on aurait pu épouvanter le monde avec l'enfer et ses grincements de dents, avec les cachots, les bûchers, et les longues traînées de sang. Il faut en convenir, Jéhovah, le Dieu juif, le Dieu national et exclusif, le Dieu vengeur, n'a malheureusement pas dépouillé complètement sa nature farouche en devenant le Dieu des chrétiens. Pour en revenir à l’unitarisme (l'unitarianisme) de Channing, nous devons ajouter que, tout en déclarant Jésus Christ inférieur à Dieu, et ne possédant qu'une seule nature, la nature humaine, il croit néanmoins à sa mission divine, à sa médiation, en ce sens que Dieu a envoyé Jésus pour effectuer la délivrance morale ou spirituelle de l'humanité. Et notons bien que néanmoins, c'est toujours par sa propre activité que l'homme doit acquérir la vertu, c'est par les œuvres qu'il doit s'attendre à être sauvé et non par la grâce. Quant au péché originel, à la rédemption, à l'éternité des peines, il ne peut en être question dans cette doctrine. Il est vrai que Channing accepte l'autorité de la Bible, admet des révélations successives, regarde celle de Jésus comme la plus parfaite, croit à l'authenticité de l'Évangile et aux miracles ; mais la révélation, pour lui, ne peut être en opposition avec la raison, et la Bible doit être interprétée au moyen des lumières de la raison.

    On le voit, dans la plupart de ces points de doctrine, le plus grand accord règne entre l’unitarisme (l'unitarianisme) et la philosophie. Sur quelques-uns seulement il peut y avoir divergence. Les idées de révélations, de missions surnaturelles, de livres sacrés, de miracles, n'exercent plus aujourd'hui le même prestige que jadis. Tout homme qui a découvert et propagé dans le monde de grandes vérités et qui les a réalisées, peut à juste titre être regardé comme un révélateur, comme ayant reçu une mission divine. Et il n'est pas nécessaire pour accroître son importance de l'entourer d'une auréole factice ; le plus souvent, en voulant l'élever ainsi, on ne fait que le rabaisser, on lui enlève sa libre spontanéité, sa personnalité, pour le réduire à l'état d'instrument et de machine, obéissant à des influences extérieures et perdant ainsi tout ce qu'il y a de plus noble et de plus généreux clans la nature humaine. Quant à l'autorité des livres sacrés, tels que l'Ancien et le Nouveau Testament, peut-elle résister à ces immenses travaux de critique et d'exégèse dont ils ont été l'objet, dans plusieurs pays et notamment en Allemagne, depuis Spinoza jusqu'à Strauss ? En supposant même qu'on ait été trop loin dans cette voie, il n'en reste pas moins acquis un certain nombre de résultats généraux, que les vains efforts des partisans du surnaturel ne parviendront jamais à renverser. Tout récemment encore nous lisions un livre curieux, publié en France, en 1850, et intitulé : Mémoires d'un enfant d'ouvrier. Éludes religieuses, par D. de Saint-Maur, et là, dans un extrait du rapport à la Société de morale (Paris 20 août), nous tombions sur ces mots : «Inspirés par l'austère méthode de Descartes, ils (les Mémoires d'un enfant d'ouvrier) présentent dans leurs touchantes confidences, une analyse des évangiles, aussi digne que hardie, où, dès le début, on se sent élevé dans une région inconnue du génie de Saint-Augustin, de Luther et de Bossuet, éclairée de ce principe nouveau : Les évangiles sont des drames grecs, dont le dogme fondamental est l'unité de Dieu ; tout autre dogme est ultérieur aux drames, et ne s'y rattache que comme un développement naturel du génie grec. Cette simple thèse, développée avec art, révèle les causes des augustes grandeurs passées, l'actuel affaissement des idées religieuses, et les consolants espoirs de l'avenir chrétien.» On en conviendra, nous sommes loin de l'époque, où l'on regardait comme authentiques et sacrés tous les récits, toutes les scènes, dans lesquels on a encadré les vérités simples et sublimes enseignées par Jésus, comme si elles avaient eu besoin de cet appareil merveilleux et dramatique pour se faire accepter du monde. Enfin, quant aux miracles, si l'on entend par là des faits contraires aux lois de la nature, les progrès de la science sont venus en quelque sorte corroborer les données de la philosophie pour prouver leur inanité. Quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse, le règne des miracles a fait son temps. Nous avons bien assez des étonnants mystères de la nature et de l'esprit, sans aller encore encombrer ce vaste et merveilleux champ de nos puériles inventions. Il y a quelque chose de mille fois plus divin dans la semence qui germe et se transforme en épi, dans l'intelligence de l'enfant qui se manifeste dès sa naissance et s'épanouit tous les jours sous nos yeux, que dans le miracle des pourceaux possédés du démon, ou dans cent autres, qui, après tout, n'ont abouti qu'aux résultats les plus médiocres.

    Nous le disons donc à regret, Channing n'est pas encore parvenu à s'affranchir complètement des vieilles traditions du passé. Mais au moins, et c'est là le côté vital de sa doctrine religieuse, il a hissé la voie ouverte au progrès, en proclamant le principe de la souveraineté de la raison en fait de religion comme en toute matière. Ce n'est pas lui qui voudra enchaîner à jamais l'intelligence humaine et l'emprisonner dans quelque symbole étroit, dans quelque formulaire obscur. Ce n'est pas lui qui s'imaginera qu'on élève l'homme, dans la double acception du mot, en lui apprenant à réciter les phrases incompréhensibles d'un catéchisme. Car la grande affaire pour lui c'est de fortifier l'homme dans toutes les directions, de fortifier son intelligence, de fortifier son cœur, de fortifier sa volonté et de rétablir ainsi l'équilibre de ses facultés. Sans doute on n'arrivera pas ainsi à cette unité chimérique et dangereuse, que nous voyons inscrite sur la bannière de l'orthodoxie ; mais on arrivera à ne pas arrêter le développement spontané de l'homme et de la société, on arrivera à ne pas entraver la variété des opinions et des doctrines, a ne pas vouloir étouffer la voix des dissidents par la contrainte et la violence, on arrivera enfin par la tolérance, la charité et l'amour, ce principe d'union que Dieu a mis dans le cœur de l'homme, à l'harmonie, à la religion, à l'église universelle. «En somme, comme l'a très bien dit M. Laboulaye, liberté absolue de la pensée et charité inépuisable, ce sont les deux besoins suprêmes de l'homme et du chrétien. La perfection, c'est de donner pleine carrière à notre raison et d'aimer Dieu et nos frères d'une tendresse infinie. Tel est le système complet de Channing ; système qui ne manque certes ni de simplicité ni de grandeur.»

    Nous pouvons le répéter maintenant : il y a accord entre la philosophie et l’unitarisme (l'unitarianisme) de Channing. Le fait d'une religion en harmonie avec le progrès est patent. Est-ce là un fait purement accidentel, un pur fait de circonstance? Nous ne le pensons pas, parce que ce fait se justifie par les tendances mêmes de notre époque, et nous y entrevoyons un signe d'espérance pour l'avenir. «Dans l'histoire de la religion, dit M. Laboulaye, je crois l’unitarisme (l'unitarianisme) destiné à prendre une grande place, car il est le dernier terme du libre examen, et, pour dire toute ma pensée, l'avenir du protestantisme est à lui. Et, quant aux hommes (et le nombre en est grand) qui sentent le besoin d'une croyance pour fixer la pensée et pour pacifier le cœur, et que cependant effraient les difficultés du dogme, il me semble qu'il n'est pas sans intérêt pour eux de connaître un système qui entreprend de concilier la religion et la philosophie , non pas au moyen d'une mutuelle et dédaigneuse tolérance, mais en montrant que le christianisme est l'achèvement de la philosophie, et que la révélation est la perfection même de la raison. Si une pareille doctrine nous arrivait d'Allemagne, enveloppée dans de mystérieuses formules, déguisée sous des mots étranges, nous l'accueillerions avec respect, comme nous avons fait des théories de Schelling et de Hégel ; aurons-nous moins d'attention parce que Channing n'est point resté dans le domaine de l'abstraction, qu'il a parlé simplement, pratiqué ses idées, et fondé bien plus qu'une école, une Église, à laquelle appartiennent aujourd'hui les écrivains les plus influents, les esprits les plus élevés de la Nouvelle-Angleterre ? Une doctrine nouvelle, et qui émeut les deux mondes, c'est, selon moi, même quand cette doctrine est théologique, un sujet digne d'occuper quiconque ne professe pas une suprême indifférence pour toute étude sérieuse et qui force à réfléchir.»

    Ajoutons que les doctrines religieuses de Channing et des unitaires ont déjà fait invasion en Europe, sans peut-être que nous nous en doutions. C'est ainsi qu'en Angleterre il existe, depuis près de quarante ans, une société unitaire, qui, en 1817, a publié une traduction du Nouveau Testament. En 1840, elle tenait ses réunions à Londres, à Saint-Swithin-Lane. Les Anglicans refusent aux membres de cette société le nom de chrétiens, ce qui ne l'empêche pas de compter des personnages politiques parmi ses adhérents. En France même, en 1831, des unitaires ont fait une profession de foi Uni Deo. En 1833, ils se sont établis à Marseille, sous la direction de W.-H. Fierness, et, en 1844, ils ont publié un curieux ouvrage sous le titre d'État religieux de la France et de l'Europe (vol. in-8°, 1850). Aujourd'hui, dit la Nouvelle Biographie universelle (t. IX, 1854), où nous puisons ces renseignements, la Société de l'alliance chrétienne universelle, dans son appel aux chrétiens de toutes les communions, professe ouvertement les opinions de Channing, quand elle dit «que tous les Credo particuliers sont devenus douteux ; que toutes les autorités humaines, soi-disant infaillibles, sont ébranlées; que toutes les prétendues orthodoxies chancellent.» Elle ajoute que «personne désormais ne rétablira telle quelle la foi catholique, apostolique et romaine ; que personne ne maintiendra l'immuable conservation de tous les dogmes de l'Église grecque, et que personne ne ressuscitera réellement la confession d'Augsbourg ou celle de La Rochelle.» Ces faits prouvent la gravité de l'œuvre de Channing, et justifient le rang qu'on lui assigne parmi les réformateurs les plus hardis.

    Nous croyons donc avoir fait chose utile en cherchant à faciliter la connaissance de Channing et de ses doctrines dans notre pays. Il nous a semblé qu'il était bon pour nous de ne pas ignorer le mouvement qui s'opère dans les esprits, au point de vue religieux, aussi bien dans notre vieux continent que dans le nouveau monde. Nous nous sommes rappelé ce vers du poète latin :

    Homo sum : humani nihil à me alienum puto.  

    Peut-être aurons-nous le malheur de déplaire à certains esprits ; mais nous répéterons alors ce que disait récemment M. Laurent, dans ses remarquables Études sur l'histoire de l'humanité, dont, par parenthèse, et pour l'honneur de la Belgique, nous désirons vivement voir paraître la continuation : « Il importe à toutes les opinions que la franchise prenne la place d'un silence qui ressemble à de l'hypocrisie ; l'Église elle-même doit repousser des adhésions qui ne sont que calcul ou faiblesse. Que toutes les convictions sincères se produisent, la victoire restera à la vérité. Mais pour cela il faut la liberté la plus complète dans la discussion. Pour moi, je dis ma pensée tout entière ; transiger avec ce que je regarde comme la vérité, par ménagement des opinions dominantes, serait plus qu'une lâcheté, ce serait un crime. Je ne puis croire, du reste, qu'il y ait danger, en Belgique, à dire librement ce que l'on pense. La liberté n'est-elle pas l'essence de nos institutions? Et, dans un pays libre, la liberté de la pensée ne serait qu'un vain mot !»


     Table des matières. 

     

     

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    DidierLe Roux

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  •       W.-E. CHANNING

    CHRISTIANISME UNITARIEN.

    PRINCIPES DU CHRISTIANISME UNITARIEN.

    François Van Meenen.

     

     

    PRÉFACE (partie 1)

    .

    Le progrès est un fait complexe. Sous cette dénomination générale, on comprend, chez l'individu, le développement et le perfectionnement de toutes ses facultés, de toutes ses forces, de toutes ses aptitudes. Pour qu'on puisse dire d'un homme qu'il progresse, il faut non seulement qu'il cultive son intelligence, mais aussi qu'il ouvre son cœur à tous les sentiments élevés, et qu'il imprime à son activité volontaire une direction constante vers tout ce qui est bien, vers tout ce qui est juste. Si le progrès individuel ne se fait pas dans tous les sens, si tous les principes de notre nature ne grandissent pas à la fois par une action harmonique, qu'arrive-t-il ? Il arrive ce que nous voyons tous les jours, que le talent fait divorce avec la moralité ou le caractère, que le sentiment peu éclairé flotte au gré des influences du jour, que l'énergie de la volonté s'use dans des entreprises injustes et condamnables. Évidemment, ce n'est pas là l'état normal de l'homme ; c'est un état de maladie morale, qui ne peut engendrer que tiraillements et désordres dans l'organisme spirituel.

    Ce qui est vrai de l'individu, ne l'est pas moins de la société, qui est une agrégation d'hommes, et ne peut avoir d'autre but que celui qui est fondé sur la nature humaine en général. Or, si le but de l'homme est de se développer graduellement et harmoniquement dans toutes ses facultés intérieures et dans tous ses rapports extérieurs, c'est-à-dire, si l'homme doit cultiver de plus en plus la science et l'art, pratiquer de mieux en mieux le bien, entrer dans des rapports de plus en plus intimes avec Dieu, avec ses semblables et avec la nature, la société, qui est un moyen, une condition nécessaire de ce développement individuel, embrasse également les mêmes buts particuliers, compris dans le but général de l'homme. La société doit donc réaliser, sur une plus grande échelle et avec plus de perfection, ce que l'individu est appelé à réaliser dans une sphère moins vaste ; elle doit diriger son activité sur le droit, sur la religion, sur la science, sur l'art, sur la morale, sur l'industrie, sur le commerce, sur l'agriculture, et elle ne doit négliger aucun de ces buts, sous peine de se mutiler. Or, quel est le spectacle auquel nous assistons aujourd'hui ? Nous pouvons constater les progrès de la société dans notre vieille Europe, sous plus d'un rapport. Personne ne révoquera en doute les progrès matériels ; c'est peut-être là le côté le plus saillant de notre civilisation. Les progrès moraux sont moins apparents : mais cependant, si l'on n'est pas trop contempteur du temps présent et partisan du passé (laudator temporis acti), ils ne peuvent être niés. Les sciences, les arts ont, sans contredit, acquis de grands développements ; le droit a pénétré de plus en plus dans les mœurs et dans les institutions.

    Reste la religion, et ici nous avons un fait d'une toute autre nature à signaler. La religion semble se placer en dehors de la voie générale du progrès, surtout dans les pays catholiques. Sans doute, le sentiment religieux n'est pas resté stationnaire ; nous le croyons et nous aimons à le croire. Il y a des tendances, des aspirations vers un meilleur avenir religieux ; l'esprit de charité et de tolérance a gagné du terrain ; les hommes du progrès inscrivent sur leur bannière ces belles paroles, qui sont sorties de la bouche d'un de ces philosophes si décriés du XVème siècle : Élargissons Dieu. Mais l'institution religieuse elle-même, l'Église dominante, l'Église catholique, a-t-elle marché depuis trois siècles, et si elle a marché, a-t-elle marché en avant, ou n'est-elle pas allée plutôt se réfugier dans ses froides et sombres cathédrales du moyen âge? N'a-t-elle pas évoqué les ombres impuissantes des Grégoire VII et des Innocent III? Nous savons bien que le catholicisme se vante de son immuabilité, et s'en fait un titre de gloire. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette prétendue immuabilité ; mais nous ne tenons ici qu'à prendre note d'un seul fait, c'est l'incompatibilité actuelle du catholicisme, ou plutôt de l'ultramontanisme, avec le progrès. Nous disons l'ultramontanisme, carie christianisme, comme ces grands fleuves qui se perdent dans la mer en une foule de petits courants, s'est rétréci pour devenir catholicisme, et le catholicisme, à son tour, s'est rétréci pour devenir ultramontanisme. L'Église catholique n'est plus aujourd'hui que l'Église romaine.

    Depuis que les peuples sont sortis du moyen âge, comme on sort d'une prison trop étroite où l'on étouffe, depuis que Gutenberg a brisé les entraves qui enchaînaient l'esprit humain, que Luther a proclamé le libre examen, l'opposition entre le catholicisme et la marche progressive de la société, plus sourde auparavant, est devenue claire et manifeste. Un écrivain français d'un grand talent, d'une grande élévation de pensée et d'un noble caractère en même temps, M. Edgar Quinet, a fait le tableau de cette opposition. Il a mis en regard l'ultramontanisme et la société moderne; il nous a montré ce que l'Église romaine a fait de l'Espagne ; il nous a montré l'Église romaine en face de l'État, de la science, de l'histoire, du droit, de la philosophie, des peuples. On ne refait pas un pareil livre ; mais on le lit et on le relit, parce qu'il est bon de se rappeler les leçons du passé pour éviter les écueils du présent ou de l'avenir.

    Quel est maintenant le résultat de ce divorce entre le catholicisme et le progrès? C'est que le progrès est entravé partout, dans toutes ses branches. Il y a peut-être des esprits qui se récrieront contre une pareille conclusion ; mais alors ils oublient qu'il y a solidarité entre les facultés diverses de l'homme, qu'il y a solidarité également entre les divers buts que doit se proposer la société. Ils oublient encore que la première condition du développement social, comme du développement individuel, c'est la liberté. Et cette liberté existe-t-elle quand de fausses considérations religieuses viennent se mêler aux recherches scientifiques, historiques, philosophiques, économiques, politiques ? On objectera sans doute que les sciences, l'histoire, la philosophie, l'économie sociale, le droit, etc., ont marché librement, malgré l'immuabilité du dogme. Heureusement oui, cela est vrai, jusqu'à un certain point ; le dogme n'a pu enrayer complètement le progrès ; mais est-ce à dire que le progrès n'aurait pas suivi et ne suivrait pas encore une allure plus décidée, si le dogme n'avait continué à peser sur lui ? Faut-il rappeler que le dogme a cherché à étouffer, par exemple, l'astronomie, cette science qui lui a porté de si rudes coups ? Qu'il a vu de mauvais œil la philosophie de Descartes, et qu'il a lutté contre elle, jusqu'à ce qu'il ait été obligé d'entrer en composition avec elle? Et nos libertés politiques modernes? Est-il besoin de citer la fameuse encyclique de Grégoire XVI, le concordat récent conclu, avec l'Autriche, pour convaincre les plus incrédules du peu d'amour que leur porte l'Église romaine ? Nous le répétons donc, il y a opposition entre le dogme immuable et le progrès, et cette opposition entrave la marche du progrès ; elle est la source de tiraillements et de divisions sans fin dans notre état social. Le sentiment de ce malaise est général, qu'on s'en rende compte ou non. Aussi les uns, pour y mettre fin, ne voient qu'un remède, c'est le retour au passé ; ils rêvent la résurrection du moyen âge, comme si les morts pouvaient ressusciter, au moins dans ce monde. En attendant, ils font de l'histoire catholique, de la science catholique, de la philosophie catholique, de l'économie politique catholique, voire même du droit catholique, de l'art catholique, comme si cet accouplement de mots ne révélait pas une impossibilité, l'alliance du progrès et du dogme immuable. Les autres, par impatience d'un joug trop longtemps porté, par dégoût du spectacle qu'a, présenté au monde la domination, intolérante toujours, cruelle souvent, de ceux qui se sont appelés les ministres du Seigneur, du Dieu de charité, du Dieu de l'Évangile, renient le passé, ne veulent plus entendre parler de sentiment religieux ni de Dieu, lui substituent les forces de la nature ou la justice, et sourient de pitié quand les mots de religion et d'être suprême sortent de votre bouche ; ce qui ne les empêche pas de vouloir l'égalité et la fraternité des hommes. D'autres encore se disent philosophes, et reconnaissent la souveraineté de la raison, mais en même temps ils prétendent faire la part des vérités que la foi nous enseigne ; ils adorent deux dieux, le dieu de la raison et le dieu de la révélation ; ce sont des esprits très conciliants, qui aujourd'hui proclameront crûment, en petit comité, que le catholicisme n'a plus quatre cents ans dans le ventre, et qui demain corrigeront leurs anciens livres pour ne rien y laisser qui puisse froisser la religion dominante, qui y intercaleront même ses louanges, et mériteront par là qu'on y appose l'approbation de l'autorité ecclésiastique ; à leur dernière heure, ils sacrifieront un coq à Esculape. Il en est aussi qui sont sincèrement catholiques, mais qui, moins logiques que les partisans de la restauration du passé, croient pouvoir concilier la liberté et le dogme, la démocratie et l'absolutisme papal, la raison et l'autorité ; ce sont des enfants perdus de l'ancienne école de l'Avenir et de Lamennais. L'exemple de Lamennais, qui s'est brisé contre les résistances de l'Église romaine, n'a été d'aucun enseignement pour eux. Nous ne parlerons pas des indifférents, pour qui la grande affaire dans ce monde est de s'enrichir et de faire leur chemin. Ceux-là s'arrangent de tout ; ils sont pleins de respect pour ce qui est et s'appelle pouvoir, tant que ce pouvoir est debout. Mais nous avons encore à signaler un certain nombre d'esprits qui pensent que l'élément religieux est un élément essentiel et progressif de notre nature, qu'on ne pourrait l'extirper, si la chose était possible, sans mutiler l'homme et le ravaler ah niveau de la brute, et que le règne de la liberté, de la justice, de la charité, de la tolérance est vraiment le règne de Dieu ; seulement ils reconnaissent que cet élément religieux ne trouve pas sa complète satisfaction aujourd'hui , en présence de l'esprit étroit et exclusif de la plupart des religions dominantes. Ils pensent que la vérité est une et identique, qu'elle ne se partage pas entre la foi et la raison, et que la religion et la philosophie doivent s'accorder et vivre en paix, en marchant d’un pas égal vers le même but, le perfectionnement de l'individu et de la société.

    Cet accord entre la religion et la philosophie est-il possible? Voilà le grand problème, le problème vital de notre époque. En théorie, nous n'hésitons pas à répondre affirmativement. Mais notre époque est essentiellement positive, elle ne se contente pas de théories, il lui faut des faits, et elle n'aurait pas entièrement tort, si souvent aussi elle ne se contentait trop des faits, des faits seuls, sans principes, et ne transformait même parfois les faits en principes. Consultons donc les faits et voyons ce qu'ils nous apprennent.

    Il existe, par delà l'Océan, une nation pleine de sève et d'avenir, qui occupe un territoire immense, et encore ce territoire lui paraît-il trop étroit, puisque tous les jours elle s'enfonce de plus en plus vers l'Ouest. Cette nation doit en quelque sorte son existence à l'esprit d'intolérance, qui a forcé ses ancêtres à émigrer en Amérique. C'est à cette rude école qu'elle a appris à connaître la valeur de la liberté religieuse, de la liberté de conscience, sans laquelle les autres libertés ne sont rien. Sans doute tout n'est pas à louer aux États-Unis, l'esclavage est là malheureusement pour le prouver, sans parler d'autres sujets de blâme. Mais quelles que soient les préventions favorables des uns, défavorables des autres, à l'égard de cette solide race saxonne, il faut convenir qu'elle a réalisé ce but, vers lequel nous tendons à travers des luttes quotidiennes et sans cesse renaissantes, c'est-à-dire l'indépendance réciproque de l'État et de l'Église. On peut voir dans les ouvrages de MM. De Tocqueville, Michel Chevalier, de Miss Martineau, de Mlle F. Bremer et d'une foule d'autres, si l'esprit religieux ne s'est pas trouvé bien de cet état de choses. M. Michel Chevalier rapporte, par exemple, ce fait que le nombre des édifices du culte est beaucoup moindre en Angleterre qu'en Amérique. Il nous donne aussi un tableau approximatif des nombreuses sectes religieuses qui existaient en 1836 aux États-Unis ; et là nous rencontrons des Méthodistes épiscopaux et autres, des Baptistes de différentes catégories, des Presbytériens de nuances diverses, des Congrégationalistes, des Luthériens, des Épiscopaliens, des Quakers, des Catholiques, des Juifs, des Universalistes, des Unitaires (au nombre de 200,000), etc. Quelques diverses que soient les opinions religieuses, elles sont sûres d'y trouver satisfaction. Nous savons bien que cette grande variété déplaît à certains esprits, imbus à leur insu ou non de préjugés sucés avec le lait. Il est un grand mot qu'on invoque souvent, sans se rendre compte de l'influence pernicieuse qu'il peut exercer, un grand mot que le Catholicisme surtout revendique comme constituant un de ses caractères les plus essentiels, c'est l'unité. Pour beaucoup d'esprits l'unité en matière de religion est le but qu'il faut atteindre ; et ils croient la trouver dans le catholicisme. Mais cette unité, faussement comprise, n'est qu'illusion, cette unité factice, vous ne pouvez l'obtenir qu'en chargeant de chaînes l'esprit humain ; cette unité mène droit à l'exclusion, à l'excommunication, à la persécution, à l'inquisition, à toutes les formes imaginables du plus lourd des despotismes, le despotisme soi-disant religieux. Voyez l'histoire du catholicisme et dites-nous après cela comment on arrive à cette étroite unité, comment on la maintient, en supposant qu'elle ait jamais existé. Est-ce dans les premiers temps du christianisme, alors que les hérésies se succédaient aux hérésies? On condamnait les hérésies, cela est vrai, on prononçait anathème contre les hérétiques, on faisait même plus, on constituait le dogme en étouffant dans le sang la voix de ceux qui protestaient. Plus tard, on fit de même avec les Albigeois, avec les Vaudois, avec les Lollards, avec les Hussites, avec les Juifs, avec les Protestants. Veut-on encore de cette unité à ce prix? C'est en vérité une singulière unité que l'unité du catholicisme, ébréchée si largement jadis, tantôt par le schisme grec, tantôt par la réforme, aujourd'hui ébréchée lentement et sourdement, miette à miette, par le travail incessant des idées. Il est temps et plus que temps de se débarrasser de ces vieux aphorismes. Ce n'est pas à l'unité exclusive qu'il faut tendre, c'est à l'harmonie, qui tient compte de la variété des opinions et des sentiments, pour les faire concourir tous a la marche progressive de l'humanité. L'unité exclusive est incompatible avec la liberté ; allez la chercher si vous voulez dans les vieilles théocraties de l'Orient ; mais aujourd'hui méfions-nous en, car sous son masque trompeur elle cache le despotisme civil aussi bien que le despotisme religieux, c'est-à-dire qu'elle ne peut aboutir qu'a briser l'individu pour en faire une machine. Non, l'idéal de la société n'est ni la caserne, ni le couvent.

    Ce n'est donc pas un spectacle affligeant pour nous que celui de ces nombreuses sectes religieuses qui existent aux États Unis. C'est au contraire un signe de vie de l'élément religieux. Que maintenant parmi ces sectes, il y en ait qui éveillent plus nos sympathies que d'autres, qui nous semblent plus près de la vérité, dont par conséquent les doctrines méritent d'être propagées, nous ne le contestons pas. Seulement la vérité ne doit pas être imposée à l'homme, elle doit se faire accepter librement. La terreur, de quelque côté qu'elle vienne, qu'elle s'affuble d'une apparence religieuse ou non, est un mauvais maître ; elle ferait détester la vérité, si la vérité pouvait être détestée. Et voilà précisément pourquoi les Unitaires doivent frapper l'attention, c'est parce qu'ils ne reconnaissent d'autres moyens de propagande religieuse, que l'appel à la raison libre de l'homme.


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