• Gutenberg et l’Internet

    Gutenberg et l’Internet
     

    par Jean-Claude Barbier, sociologue

    mis en ligne le 10 octobre 2013 sur le site Unitariens francophones, rubrique « le droit aux appartenances »

     
      

     

    Ne sommes nous pas en pleine nouvelle Réforme encore due au progrès de l’information pour tous ?

    Avant Johannes Gutenberg (vers 1400-1468), l’accès à la Bible était réservée en pratique aux bibliothèques des monastères, des chapitres de chanoines, aux princes et aux riches, etc. Certes, la bible reproduite par des copistes se trouvait agrémentée d’enluminures de toute beauté, mais le brave peuple n’en percevait à l’oreille que des extraits dûment choisis par la liturgie.

    Alors que les « hérésiaques pré-réformateurs » (Pierre Valdo vers 1140- vers 1206, John Wycliff, vers 1326-1384, Jean Hus, entre 1369/73 – 1415) sont des moralistes qui veulent que l’Eglise améliore ses mœurs, notamment ceux de son clergé, les Réformateurs du XVIème siècle exigent en plus la fidélité aux textes, à commencer par Erasme (1466-1536) (lequel ne quittera pas la confession catholique) qui revient sur la célèbre et officielle traduction de Jérôme en latin, la Vulgate. On s’intéresse aux traductions en relisant les manuscrits en hébreux et en grec, on les traduit en langues locales (déjà Jean Hus pour le tchèque, Martin Luther pour l’allemand, Pierre-Robert Olivétan pour le français à la demande des calvinistes, etc.) et on a le soucis de sa lecture par tous et donc d’une traduction appropriée (les Vaudois, Sébastien Castellion).

    Ce retour aux sources est porté par une grave accusation : au fil des temps, l’Eglise s’est permis d’ajouter comme croyances obligées un tas de choses : le culte marial, celui des saints, la transsubstantiation (présence réelle du corps de Jésus dans l’hostie), le purgatoire et les limbes, etc., et des pratiques comme les indulgences, le célibat des clercs, etc. De là un grand coup de balaie ! En Transylvanie, les anti-trinitaires demandent que les ‘disputes théologiques’, organisées par le pouvoir politique (en l’occurrence le roi Jean Sigismond), n’utilisent que des arguments sortis des Ecritures. C’est la « Sola scriptura » !

    Les réformateurs radicaux, au vu des textes, vont d’ailleurs accuser les premiers Réformateurs de ne pas en faire suffisamment et de s’arrêter au milieu du gué : les anabaptistes (pour le baptême d’adulte, la séparation des pouvoirs politiques et religieux, le pacifisme absolu, le non recours aux tribunaux, le partage des biens, etc.) et les anti-trinitaires (le dogme trinitaire date du concile de Nicée en 325 et n’est pas dans le Nouveau testament).

    Il s’agit donc bien d’un réveil fondamentaliste et d’un littéralisme (les textes sont lus et cités au premier degré). Paradoxalement, certains réformateurs maintiennent des dogmes (ceux élaborés par les conciles du 1er millénaire dont la Trinité et Marie Mère de Dieu) et en ajouteront de nouveaux : comme par exemple la « Sola Gracia » avec Martin Luther, le salut dû uniquement à notre foi et sans référence à nos œuvres, et dépendant de l’arbitraire de Dieu avec la prédestination.

    Et aujourd’hui, un second vent de Réforme ?

    L’anthropologie religieuse et l’histoire comparée des religions commence à intéresser les élites dès le milieu du XIXème siècle. Aux Etats-Unis, l’unitarien Ralph Waldo Emerson (1803-1882), dans les années 1830, est très influencé par le bouddhisme via ses amis européens et sa Nature dispose d’une « grande âme » à laquelle nous puisons tous directement par intuition et spiritualité. Mais l’accès pour tous à la découverte des autres religions, spiritualités et philosophies étrangères a été considérablement accéléré ces dernières décennies par l’Internet. En quelques clics, le ‘chercheur de sens’ a en effet accès à des horizons les plus éloignés, à la plus grande joie des autodidactes, des curieux et des ésotériques. Ceci dans un contexte d’individuation où la personne réfléchit d’elle-même, ne se contente plus de reproduire les croyances de sa communauté d’origine et ne se sent plus obligée à des pratiques religieuses régulières.

    On voit dès lors se développer de nouvelles configurations que nous énumérerons ici brièvement :

    - des changements d’appartenance plus nombreux,

    - l’importation de religions jusqu’alors étrangères (parfois à l’étonnement des locaux qui les prennent pour de nouvelles « sectes »)

    - l’apparition de nouveaux mouvements (comme par exemple des « sectes », des mouvements de réveil, des ésotérismes, etc.)

    - des appartenances complémentaires : on ajoute à sa religion l’intérêt pour d’autres sagesses ou corpus (bouddhisme, yoga spirituel, ésotérisme, franc-maçonnerie, etc.) pouvant aller à des pratiques régulières et des inscriptions (notre manifeste porte surtout sur ce point, lien)

    - des bi-appartenances où l’appartenance de naissance est mise à égalité d’importance avec une autre.

    - l’interfaith (pratiqué par les congrégations unitariennes-universalistes) où toutes les convictions religieuses, spirituelles et philosophiques sont mises indistinctement sur stricte pied d’égalité, sous-tendu par un universalisme qui reprend le projet du théisme, à savoir une religion universelle au-dessus des religions particulières, mais en l’élargissant aux sagesses et philosophies.

    - des itinérances où la personne passe successivement d’une référence ou appartenance à une autre, sans rupture de conversion.

    - des syncrétismes où le fidèle se réfère à des croyances jusqu’alors considérées comme incompatibles entre elles (le candomblé en Amérique latine avec les divinités vodoun et leurs correspondances chrétiennes, le deuma en Côte d’Ivoire avec le harrisme et la présence d’un crocodile sacré, le caodaïsme au Vietnam avec Jeanne d’Arc et Victor Hugo, etc.)

    - les religions à la carte avec par exemple, en extrême, le New Age.

    - etc …

    Que chacun trouve sur Internet ou ailleurs chaussure à son pied !

     

     
     DidierLe Roux

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