• Expulsion des sociniens de Pologne


    Expulsion des sociniens de Pologne

      

    L'adoption dont il est fait allusion dans le corps de ce travail est le décret de bannissement prononcé contre les sociniens polonais, sous le règne de Jean Casimir. Ce monarque, lors de son investiture, prit le serment suivant, par lequel il s'attachait à défendre les libertés religieuses des dissidents, et de ni les opprimer, ni de permettre à d'autres de les opprimer et de les persécuter, en raison de leur religion.

    "Ego Johannes Cassimirus Electus Polonite Hex, &c. Spondeo ac sancte juro Deo omnipotenti ad hicc Sancta Jesu Christi Evangelia: quod omnia jura, libertates, privilegia publica et privata, tum pacta conventa per oratores meos cum Ordinibus Regni, et Magni Ducatus Lituanise juncta manu tenebo, observabo, custodiam, et adimplebo in omnibus conditionibus, articulis et punctis in eisdem expressis. Pacem quoque et tranquillitatem inter dissidentes de religione Christiana tuebor, et manu tenebo, nee ullo modo Tel jurisdictione nostra, vel officiorum nostrorum et statuum quorumvis auctoritate quenquam affici opprimique causa religionis permittam, nee ipse afficiam, nee opprimam. Et si (quod absit) in aliquibus juramentum violavero, nullum raihi incolsc Regni, omniumque dominiorum uniuscujusque gentis obedientiam prsestare debebunt, imo ipso facto eos ab omni fide et obedientia Regi debita liberos facio, absolutionemque nullam ab hoc meo juvamento i quoquo petam, ncque ultro oblatam suscipiam. Sic me Deus adjuvet, et Sancta Christi Evangelia."

    Mais ce monarque faible et sectaire n'a pas été longtemps assis sur le trône, avant qu'il soit éconduit, par un fanatisme insensé, qui a été encouragé et chéri par l'influence des Jésuites, pour violer son serment, et prouver qu'il était un traître parjure pour la cause qu'il avait solennellement juré de défendre. Son élection eut lieu le 22 novembre 1648. Avant cette date, il menait la vie d'un ecclésiastique, et avait non seulement été admis comme membre de l'ordre des Jésuites, mais avancé à la dignité de Cardinal. Les romanistes, par conséquent, devaient trouver en lui un défenseur zélé de l'ascendant catholique et les jésuites un fort partisan pour les privilèges de leur ordre. Il n'a pas, dans le plus petit particulier, déçu ou freiné leurs attentes ; mais prit le plus tôt possible l'opportunité de se débarrasser de l'obligation de son serment de couronnement. Dans l'espoir de récupérer son trône, après en avoir été pendant un temps privé par Charles Oustavus, Roi de Suède, il s'engagea solennellement à la protection de la Sainte Vierge ; et en même temps fit le vœu, qu'il s'occuperait des réclamations de la paysannerie, et de convertir les incroyants. "La première partie de ce vœu," dit le comte Krasinski, "n'a même pas été tentée, l'autorité trop limitée du monarque étant de plus inégale pour la tâche de faire quelque chose contre les intérêts des propriétaires fonciers, auxquels le clergé appartenait également. L'accomplissement du vœu a donc été limité à la réduction des ennemis de l’Église Catholique romaine. Le nombre des protestants était encore considérable, plusieurs familles influentes du pays, et en particulier celle des Radziwills, qui leur appartenaient, et ils ont été supportés par l'intérêt des princes étrangers, de leur croyance, et à ce moment-là alliés avec la Pologne. Tels étaient le Roi de Danemark et l’Électeur de Brandebourg. Il était donc impossible de les harceler avec toute mesure générale et juridique pour les harceler, même si le projet était entretenu par quelques fanatiques catholiques romains. A la diète de 1658, il y eut à un moment un doute si le vœu royal devait être accompli avec l'expulsion des Juifs ou des sociniens. Mais trop d'intérêts auraient été bougés par l'expulsion d'une nombreuse population dans les mains de laquelle les intérêts commerciaux des principaux du pays avaient été placés, les sociniens ont été désignés les bons objets de l'accomplissement du vœu royal ; et le jésuite Karwat, qui jouissait d'une grande influence, incita la diète de 1658, à montrer par des actes, comme il l'appelait, sa gratitude à Dieu. Le Nonce socinien Tobias Szwanski, a tenté de dissoudre la diète par son veto avant d'avoir promulgué une loi contre sa secte ; mais ce droit, qui avait été mis en pratique pour la première fois quelques années auparavant (1652), et par l'observation scrupuleuse dont de nombreuses mesures les plus salutaires avait été renversées, a été ignoré lorsqu'il était utilisé pour la défense de la liberté religieuse. La diète a promulgué une loi, par laquelle il était interdit, sous les peines les plus sévères, de professer et de propager le socinianisme dans les territoires polonais, et tous ceux qui le faisaient, ou d'une quelque façon favorisaient la profession, étaient menacés de la peine de mort immédiate. Il a été accordé, cependant, à ceux qui devaient persévérer dans cette secte, un mandat de trois ans pour la vente de leurs biens et le recouvrement de leurs dus. Une parfaite sécurité leur a été promise pendant cette même période, mais l'exercice de leur religion était interdit, et ils n'étaient pas autorisés à prendre part dans les affaires du pays. Le texte n'a pas été fondé sur des considérations politiques, ni même il imputait aux sociniens tout acte de trahison, mais il était entièrement fondé sur des bases théologiques, et surtout sur le fait qu'ils ne reconnaissent pas la pré-éternité de Jésus-Christ, - une raison plutôt étrange dans un pays où les Juifs étaient tolérés, et les mahométans admis à tous les droits des autres citoyens. Le décret était, en outre, fondé sur de faux postulats, car il condamnait les sociniens par la loi contre les hérétiques, adoptée sous le règne de Vladislaw Jaguellon, qui dans un premier temps a été pratiquement abrogée par un texte ultérieur, la totale liberté des pratiques religieuses, et en second lieu, qu'il était absurde d'employer une loi contre les hussites, qui n'ont jamais contesté le dogme de la Trinité, pour la punition de ceux qui le niaient ; tandis que les protestants, dont les principes sont les mêmes que ceux des hussites, ne figuraient pas dans son application."•


    Le décret de 1658 était comme suit.


    "Quamvis sectam Arianam, vel ut eam nonnulli vocant, Anabaptisticam in Dominiis nostris existere, et propagari Lex semper abnuebat; quoniam tamen fatali quodam Reipublicse casu, nominata Secta non a longis temporibus in dominiis nostris tam Regni quam Magni Ducatûs Litunniae dilatari coepit, quae Filio Dei praeaeternitatem adimit; reassumentes et in suo vigore relinquentes contra illos statutum Uladislaï Jagellonis, antecessoris nostri de Haereticis, consensu omnium ordinum constituimus; Quod, si quis ejusmodi inventus fuerit qui sectam hanc Arianam in ditionibus nostris tem Regni quam Magni Ducatus Lituanias, et provinciis eis annexis ausit, attentetve confiteri, propagare, aut praedicare, vel illam et assertores illius protegere et fovere, fueritque super hoc legitime convictus talis quilibet superius nominato statute subjacere debeat, et sine ullâ dilatione per Capitaneos nostros et officia ipsorum capite plecti, sub privatione Capitaneatûs. Fautoribus vero illorum tanquam pro poenâ perduellionis, forum in Tribunali inter causas conservatas mixti fori assignamus ad instantiam cujusvis, sicuti et CapitaneLs eorumque officiis: in Magni autem Ducatûs Lituaniae tribunali ex quovis registro. Volentes tamen clementiam nostram exhibere, si quis talis inventus fuerit, qui hanc sectam suam abnegare nolit, ei annos tres ad divendenda bona sua concedimus, salvâ interim bonorum et domorum securitate, atque debitorum repetitione. Quo tempore nihilominus nulla exercitia sects e suse supra nominate; peragere tenetur, nee ad ulla munia publica immiscere sese poterit, sub poenis superius expressis."

    Il était pensé que le mandat de trois ans permettant aux sociniens d'organiser leurs affaires, était d'une trop grande indulgence, et le décret suivant qui a été émis par la diète de 1659, limita le temps de préparation pour leur départ à deux ans ; et ordonnait péremptoirement à tous ceux, qui n'étaient pas conformes à la religion catholique romaine, de quitter le pays avant le 10 juillet 1660.

    "Quoniam Comitiis anni proxime praeteriti 1658, Secta Ariana seu Anabaptistica consensu ordinum a nobis ex ditionibus Regni, eique annexis est proscripta, tresque anni istius sects e hominibus ad divendenda bona fuerunt assignati, nunc vigore prsescntis Constitutionis Comitialis, duos annos a tempore comitiorum proxime prastcritorutu ad divenditionem illis concedimus, ita ut terminus exilii ipsorum praxise incidat in decimum diem Julii mensis Anno proxime Instanti 1660. Quod tamen nocere nequaquam debet iis, qui ad Sanctam Catholicam Romanam Ecclesiam convertsi fuerint."

    Le temps de préparation étant ainsi rétréci de manière inattendue de trois à deux ans, les sociniens étaient dans la nécessité, dans de nombreux cas, de se débarrasser de leurs biens avec grand sacrifice ; et comme ils n'ont pas été autorisés à maintenir leurs assemblées habituelles pour le culte religieux, ou d'accomplir un acte qui impliquait leur existence en tant que corps religieux, la souffrance et les indignités auxquelles ils étaient exposés sont devenues absolument intolérables. Certains d'entre eux se sont efforcés d'échapper aux persécutions en se cachant ; et d'autres avaient des amis parmi les nobles, qui jetèrent sur eux le bouclier de leur protection. Mais même ces expédients pour éviter la persécution ont été interdits ; et que tout pouvait être impliqué dans un destin commun, un troisième décret a été promulgué au mois de mai 1661, sous le prétexte d'accomplir un acte de gratitude envers le Dieu des armées, pour la miséricorde dont il avait accordé à la nation au cours de l'année passée, en leur ayant permis d'obtenir ces victoires éclatantes sur leurs ennemis, et d'un désir, comme on l'a prétendu, de toujours concilier davantage la faveur divine. En ce dernier décret, dont ce qui suit est une copie, et qui montrait un raffinement de cruauté rarement rencontré, cela même dans les annales de la persécution religieuse, la plus grande rigueur de la loi a été condamnée à être exécutée contre tous ceux qui appartenaient à la secte proscrite, qui resteraient plus longtemps dans le royaume de Pologne, ou le Grand-Duché de Lituanie.

    "Regratificantes Deo exercituum accepta beneficia anni praeteriti, quae nobis per tam insignes de hostibus victorias contulit, et volentes hanc Divinam beneficentiam hâc nostrâ gratitudine ulterùs placare, cùm hostes prseajternitatis filii ejus è Dominiis nostris proscripserimus; sicuti id jam proxime prseteritis Comitiis constitutione anni 1658, cujus hic est titulus: Secta Ariana sen Anabaptistica,et constitutione anni 1659, fecimus: Ita et nunc ne haec Secta Ariana ullo qui excogitari queat moclo, obtecta in ditionibus nostris Regni Poloniae, et Magni Ducatûs Lituaniae remaneat, sed potiùs ut ad exequutionem deducantur legos praedictae, ab omnibus Officiis ac Judiciis requirimus. In Magno autem Ducatu Lituania; talibus actionibus inter causas Compositi Judicii in Tribunali forum assignamus."

    La suite de cette histoire mélancolique est donc reliée par la plume du Comte Krasinski. "Il ne leur restait rien, que de quitter le pays avant l'expiration du terme fixé, une mesure qui a été accompagnées de nombreuses difficultés, malgré la tentative de plusieurs nobles éminents de soulager leurs souffrances, qui, bien que les romanistes de profession, étaient liés par des liens de sang et d'amitié avec de nombreux sociniens. Ils se sont dispersés dans différentes parties de l'Europe, où ils espéraient trouver un asile sûr contre la persécution religieuse. Un grand nombre passa en Transylvanie et en Hongrie ; mais une partie de ces malheureux émigrants, composée de trois cent quatre vingt personnes, a été attaquée sur le chemin de ce dernier pays par une bande de voleurs, envoyés dans ce but, comme il est supposé, et se retrouvèrent complètement dépouillés de leurs biens restants. Ils ont été reçus avec hospitalité par les nobles hongrois, Étienne Tekely et Francis Raday, qui se sont efforcés avec grande humanité d'apaiser leur misère. Ceux qui sont arrivés en Transylvanie trouvèrent consolation dans les sympathies de leurs compatriotes sectaires, et un foyer sûr où ils pourraient vivre et exercer librement leur religion. La Reine de Pologne permit également a beaucoup d'entre eux de s'installer dans les principautés de Silésie de Oppeln et Ratibor, qui lui appartenaient, et certains Princes de Silésie firent de même. Étant dispersés dans plusieurs régions de ce pays, ils ne formaient plus une congrégation, et soit, progressivement abandonnèrent ou bien se convertirent au protestantisme. Un nombre considérable d'entre eux a établi une congrégation à Manheim, sous la protection du palatin du Rhin, qui a perduré de 1663 à 1666. Rapidement, cependant, ils ont été suspectés de propager leurs doctrines, qui, compte tenu de leur zèle connu à cet égard, était très probablement le cas, et ont été obligés de se disperser. Ils se sont retirés, pour la plupart, aux Pays Bas, où ils pouvaient jouir d'une pleine liberté de la pratique religieuse, et où il y avait plusieurs sociniens, qui, avec ceux de l'Angleterre et de l'Allemagne, donnèrent des sommes considérables pour le soutien de leurs frères bannis de Pologne. Nous disposons d'aucune information concernant leurs fortunes dans ce pays, ou s'ils ont été une grande congrégation. Cependant, nous avons tendance à penser que tel était le cas, comme ils ont été en mesure de publier, en 1680, à Amsterdam, un Nouveau Testament en langue polonaise.

    Un certain nombre de Sociniens prirent leur retraite en Prusse, où ils trouvèrent un accueil hospitalier de leurs compatriotes, le Prince Radziwill Boguslave, qui était Gouverneur de la province pour l’Électeur de Brandebourg, avec qui il était proche parent. Ils étaient, cependant, pour un certain temps exposés à plusieurs vexations, jusqu'à ce que l’Électeur de Brandebourg, sur la représentation de Samuel Przypkowski, un de leurs auteurs les plus éminents, leur accorda la liberté religieuse complète, qu'ils continuèrent de profiter et ceci malgré l'opposition faite par les États de la Prusse en 1670 et 1679. Ils formèrent deux colonies, appelées Rutow et Andreaswalde, près de la frontière de la Pologne. En 1779, les habitants de ces lieux ont reçu une autorisation du Roi Frédéric II de construire une église, mais leurs congrégations, qui n'ont jamais été considérables, progressivement diminuèrent, et selon les informations officielles que nous avons reçues à ce sujet, de Andreaswalde, qui avait subsisté jusqu'à 1803, a été dissoute cette même année, et il ne reste plus aucun vestige d'elles. Il y avait en Prusse, en 1838, seuls deux hommes, les derniers membres survivants de la secte, un Morsztyn et un Schlichtyng, deux hommes très âgés, et les représentants des noms uniques dans les annales littéraires et politiques de Pologne. Le reste des sociniens était devenu protestant, comme l'avait fait les familles des personnes mentionnées ci-dessus."••


    Le Comte ajoute, dans une note, la reconnaissance de l'aide apportée par le gouvernement de la Prusse, en retraçant l'histoire de ces exilés polonais, qui cherchaient un asile dans ce pays. "Nous saisissons cette occasion pour exprimer notre sentiment d'obligation à Son Excellence le Baron Bulow, Ambassadeur de Prusse à la Cour de Grande-Bretagne, auprès de qui nous demandons d'obtenir des informations officielles sur le sujet en question, et qui a respecté notre demande de la plus belle manière. Nous avons immédiatement écrit au ministère de affaires religieuses et d'instruction publique à Berlin, et avons obtenu par son intervention les renseignements que nous avons donnés dans le texte."•••

    Jean Casimir, après avoir racheté la part de son engagement qui le liait à la disparition des sociniens, abdiqua la couronne dans l'année 1664, et en assumant toujours la charge ecclésiastique, prit retraite en France, où il devint Abbé de Saint-Germain-de-Prez. Il mourut à Nevers en 1672. Son corps a été envoyé à Varsovie pour l'enterrement, mais son cœur a été déposé, comme une précieuse relique de digne fils de l'Église, dans sa propre abbaye, où les Moines érigèrent un monument à sa mémoire.

     

    Hist. Aperçu de la Réforme en Pologne, vol. II. Chap. xv. pp. 395-398.

    ••Pp. 400-403.

    ••• Vol.II. p.403


     

     
     Didier Le Roux

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